Mais de toutes ces contingences, Sandrine
Rinaldi n'en a cure. Ce pourrait être du courage, mais ce
n'est qu'une posture. Tout dans Mystification est boursouflé.
Le jeu des acteurs est surfait. Seul Serge Bozon possède un
peu de grâce, les autres - Laurent Lacotte en tête - ne sont
que des surfaces creuses. Ils interprètent des personnages
qui n'ont rien d'humains, qui sont réduits au stade de conceptions
intellectuelles. Selon la formule consacrée, toute ressemblance
avec une personne existant ou ayant existé serait ici totalement
improbable. Ce qui mine de rien va à l'encontre de ce que
devrait toujours être le cinéma : une certaine retranscription
de la vie.
Sans dire grand chose, les
personnages parlent beaucoup. Ce côté bavard de Mystification
est parfaitement assumé par Sandrine Rinaldi, sans se rendre
compte que la glose de son film confine plus au ridicule qu'à
la réflexion de haute volée. Pour un peu, la réalisatrice
serait prête à filmer une jeune femme récitant du Ibsen alors
qu'elle va jouir. C'est d'ailleurs dans cette absence de rapport
au corps, au charnel que se situe la principale limite de
Mystification. Sandrine Rinaldi semble oublier que
l'existence ne se remplit pas que de mots, que le cerveau
n'est pas branché en permanence, et que c'est très bien comme
cela.
Plus les personnages parlent, plus
on s'en contrefout. Leurs petits problèmes existentiels n'intéressent
pas, leurs débats d'idées sclérosés ne touchent pas. En fait,
on ne s'en contrefout pas, on les exècre. On rêverait de les
croiser dans la rue et de les baffer. Tout comme on voudrait
secouer cette satanée caméra tellement empesée qu'on la croirait
plombée. Ainsi, dans un plan à se jeter la tête contre un
mur, Sandrine Rinaldi bat le record du monde du mouvement
de caméra le plus lent entre deux personnages séparés de 50
cm. On s'énerve, mais bien vite on se rend compte que de
tels films ne méritent pas tant d'importance.
Avec Mods, Serge Bozon a fait 5 000 entrées. Avec Mystification,
Sandrine Rinaldi fera grosso modo un score semblable. Avec
son film en préparation, Laurent Lacotte fera sans doute le
même résultat. Et cela ne changera en rien la face du monde,
ni celle du cinéma. Alors, pour y trouver un quelconque plaisir,
peut-être faut-il prendre leurs films comme un documentaire
sur la vie d'une certaine branchitude parisienne, sur ce petit
cercle qui continuerait de danser sur la piste d'une boîte
arty, un verre de champagne à la main, alors que le monde
s'effrondre autour d'eux.
Titre :Mystification Réalisation :
Sandrine Rinaldi Scénario : Sandrine Rinaldi Image : Sébastien Buchman Son : Laurent Gabiot Montage : François Quiquéré Interprétation : C. Cayol,
L. Sanchez, L. Le Doyen, L. Lacotte, S. Bozon Production : Balthazar
Productions Durée : 56 min Format : Couleur, 35 mm Année : 2003