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Simon de la Brosse (c) D.R. SIMON DE LA BROSSE
Portrait d’un acteur en poète
Par Richard DALLA ROSA


Le 17 avril 1998, Simon de la Brosse nous a donné sa vie en se donnant la mort. Quelques années plus tard, il est normal qu’un hommage lui soit rendu à travers son propre exemple, qui illustre le propos précédent. L’heure de gloire n’a pas empêché cet acteur de mettre fin à ses jours, et l’art, s’il est cathartique, le fut peut-être pour les spectateurs de ses films, mais pas pour lui-même.


Dans le film qui a inspiré la naissance de notre revue, Travelling-Avant, de Jean-Charles Tacchella, Donald, son personnage déclarait dans les premières scènes :

" J’aime ce film, mais il ne correspond pas à ma conception de la mise en scène.

Nino : Mais alors, pourquoi vous avez applaudi ?

Donald : Pour le personnage principal. Je voudrais lui ressembler, moi... S’amuser, rater sa vie, devenir un gigolo... et réussir sa mort !

Nino : Mais comment sait-on qu’on a réussi sa mort ? "


  Travelling Avant (c) D.R.

Et Simon de la Brosse sort du champ de la caméra dans un éclat de rire, en prenant son partenaire par l’épaule dans un élan amical. Thierry Frémont était certainement loin de se douter de quoi que ce soit. Les années 80 finissaient leur décade et on ne pensait pas aux années d’incertitude, les années 90. Dans le même film, Sophie Minet, une actrice jouant une comédienne, détient une phrase clef dans les textes qu’elle doit apprendre. C’est une phrase qui ponctue une conversation autour du suicide des acteurs, avec Ann-Gisel Glass et Thierry Frémont, dans les derniers instants du film : " De toute façon, on ne se tue pas pour mourir, on se tue pour exister ". Cette phrase dévoile, de manière étrangement prophétique, la souffrance de l’enfance difficile qu’a vécue Simon de la Brosse : dans l’ultime élan, on se tue avant tout pour exprimer quelque chose, et il s’agit ici d’un désespoir. Sa dernière parole, faite de murmure, cache toutes les autres, notamment celles qu’il a écrites entre deux prises ou deux tournages. Car il n’était pas seulement un jeune acteur voué au succès, il était et demeure avant tout un poète dans l’exercice de sa fonction, l’art. Ses textes et ses toiles, même s’ils ne sont pas encore connus, témoignent pour lui. Ils ont l’avantage d’exister et de prouver que le silence n’est pas forcément une langue d’oubli. Chose étrange, ce qu’il a laissé sur les pages ou les toiles est aussi parlant, voire plus frappant que l’image qu’il a léguée au cinéma.

Dans un documentaire de Jean Henri Meunier et Willy Pierre, Simon de la Brosse, Paris Amsterdam (collection intitulée Libertés d’acteurs ), quelques jours avec lui nous sont montrés par le biais de son visage intime et profond. La date : 25 avril 1989. On entend une voix de petite fille lui demander : " Simon, qu’est-ce que c’est un acteur ? " ; et lui de répondre : " Qu’est-ce que c’est qu’un acteur ? Etre un acteur, c’est être poète d’abord, avoir un regard, regarder, écout-er, sentir, agir. Agir sur le néant, sur le chaos, les pieds nus [...]. ".