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Catherine Breillat (c) David Lombourg CATHERINE BREILLAT
Tapage diurne
Par Cyril Johanneau
Photos de David Lombourg


Mardi. 12h 00. 4e étage gauche.

Moins cinq, la télévision française n°1 n’en a pas terminé. Vous nous faites entrer. Vous vous excusez : nous n’aurons pas longtemps à attendre. En effet.

L’appartement encombré comme indiqué à la porte : Catherine Breillat et précisé au-dessus CB Films : rien ne semble pouvoir tout contenir et le reste est à sa place. Un défi à Marie-Claire Déco. Et au maniaque du rangement que je suis.

Vous, d’abord. A peine ai-je le temps de m’apercevoir que vous êtes plus menue, plus jeune, plus éclatante " en vrai " que… Vous m’emportez dans la conversation avant de m’y installer. Nous emportez. Vous ne laissez non plus se faufiler l’œil de David à la dérobée. Vous le rappelez à sa présence. L’œil, la voix. Point de poids des photos sans choc des mots.

Déjà la pensée rigoureusement en place. Les mots débordent le cadre. Rompent. L’interview n’aura pas lieu. Un défi au prêt à penser. Bien sûr j’ai dû vous sembler ridicule à m’excuser de ne pas avoir mis mes questions au propre. En ordre. Aujourd’hui, j’en souris. Comme vous, alors : évidemment.

On a dû se battre pour que le film ne soit pas interdit aux moins de seize ans. Après les polémiques de Romance, on était dans le collimateur… de l’agacement au triomphe vous riez : on leur explique pas aux gosses, on leur montre pas comment on met une capote. Moi, je le fais qu’on vienne pas m’emmerder. vous dites encore qu’est-ce qui est choquant ? Le scandale n’est jamais là où on le met. Pour mieux masquer les vrais scandales. Nettoyage à Sec, c’est un film correct, pas scandaleux. C’est marketing. C’est ce que les gens peuvent supporter. Après ils sont fiers d’avoir supporter quelque chose de très, très choquant. C’est pas très novateur, or ce qui importe c’est de donner une nouvelle vision des choses. Ça vous scandalise.

Je tente l’interview. magnéto, questions, calepin, stylo.

Catherine Breillat (c) David Lombourg

Question : dans L’Homme Facile, vous écrivez… amusée, vous riez, moi j’ai écrit ça ? La question restera sur le papier. Vous la saisissez déjà. Le prince charmant est la plus grosse arnaque faite aux petites filles. Votre conte préféré c’est La Belle et la Bête. L’amour qui rend beau, pas le contraire. Après on ne sait plus assumer. On se/nous trompe sur l’obscène. Vous dites justement…

Ce n’est pas le sexe, les pratiques sexuelles qui peuvent être dégradantes certes qui font l’être. Il y a confusion. Révoltante. On fait du sexe un truc énorme qui précède et qui fonde l’être alors que c’est banal. Le sexe c’est l’affaire de l’être. Après faut juste assumer cette part et on nous apprend pas, on sait pas assumer. On devrait pouvoir tout assumer. Le pire, le moche y compris. C’est nous dans nos failles. C’est difficile quand c’est pas reluisant, mais je tends à ça. On est dans une société de la réussite, c’est épouvantable : il ne s’agit pas de réussir, il s’agit d’entreprendre, de proposer. Aller sans cesse vers ce qui n’a pas été fait. L’échec ce n’est pas de ne pas y arriver, c’est de ne pas commencer. Se laisser porter. C’est comme bêler avec le troupeau, c’est pire que tout. Impossible à assumer. Pourtant ils assument. On leur dit que le scandale est ailleurs. Ils renoncent à leurs rêves. Pas seulement ça. La plupart des gens, dix ans plus tard, sont devenus ce qu’ils exécraient à l’adolescence.