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  Catherine Breillat (c) David Lombourg

Perçante et perfide vous interpellez David. Vous n’avez pas l’impression de faire exactement le contraire de ce que vous espériez ? Non, catégorique. Vous souriez, satisfaite… vous non plus. A côté de vous, sur le canapé, un chat gris apaisé. Endormi ? on ne sait jamais avec les chats. Il l’a vu. Je ne le verrai que plus tard. Avant de partir.

Je me dis que vous êtes différente. Vous êtes plus épaisse, en photo. Je n’avais jamais vu vos yeux verts comme… naguère, j’avais une chatte avec les yeux verts comme les vôtres. Vous pouvez bien dire les pires horreurs, avec des yeux pareils. Vous pouvez étriper tous les princes charmants de la terre, vous pouvez bien… Droit dans les yeux et me fixer. M’acculer.

Et ce vert, pareil. La tête dans les mains. Les notes au sol. Tous les artifices. Les moyens sont bons. A se détourner. Ah, se… Vert d’eau, les yeux menthe à l’eau comme une star de ciné. Je ne suis pas un prince charmant. Voire, j’en oublierais mes appréhensions. Mes angoisses, mes dégoûts. Minuit sonne. Midi passé, alors. J’en oublierais que le vert de la pourriture… les gazes camphrées comme pour cicatriser les brûlures perméables intactes. David allume un clope : j’arrêterais de fumer de vous écouter - Nicotine Breillat.

Catherine Breillat (c) David Lombourg

Un homme avec une fossette là quand il sourit ne peut pas être totalement mauvais, vous me dites. A moi. Le miroir au-dessus de votre tête, vais-je me lever ? Ça pourrait être clair, juste un examen rapide : sourire, pommette, fossette. Alors, je m’avachis dans le fauteuil - trop profond, sur le point de perdre l’équilibre - je m’éloigne. Je cesse de sourire. Prêt à répondre comme à n’importe quoi, sauf qu’une main sur la joue : peut-être aurez-vous droit à un de ces glissements de terrain, spasmes organiques que vous adorez, à moins qu’un décrochement significatif de la mâchoire soit votre seul remerciement à toute la peine prise pour.

Et puis il y a la société qui inocule la timidité et la pudeur. Vous étiez effondrée face à votre fils rendu timide par l’école où l’on conserve une observance des rites conformistes en inculquant la honte de soi. De soi, oui parce qu’on n’est jamais assez ci-ça-l-autre pour exister, finalement. Vous éclatez de rire. Irrémédiablement, posément ; brève, une voix qui se souvient : on nous enseigne pas la liberté, on nous enseigne la restriction. Le sens du sacrifice. Et on n’entend jamais parler du plaisir. On nous surine entre l’innocence de l’enfance et la responsabilité adulte on nous surine et pas un mot sur le plaisir. Ou bien… Les jeux de construction de [mon] enfance, les cubes et les cylindres se sont certainement cassé le nez ici même.

  Catherine Breillat (c) David Lombourg

Evidemment on peut appeler la psychanalyse à la rescousse. Mais, ça veut dire quoi au juste ? Le succès de la psychanalyse… c’est parce qu’on ne sait pas dire les choses. On ne sait pas se parler. Mais personne n’entend. Mais personne n’écoute. On enterre sans formuler. On paie quelqu’un à qui parler. Pour écouter. Avec le soulagement de refiler le secret, qui reste secret. C’est confortable. Finalement l’argent fait le bonheur. Et on entretient la léthargie bourgeoise. Ce n’est qu’une société chrétienne-bourgeoise. Alors oui, il faut tuer la mère, c’est la condition sine qua non pour toutes les jeunes filles. Mais tout ça est très symbolique, c’est pourquoi je préfère un vengeur anonyme. Un accident, j’y tiens. Et je vois bien que ça fonctionne. Vous jubilez. Je le vois aux projections, les gens crient. Pourtant c’est très simple, mais on a oublié cette simplicité des effets.

On ne peut pas faire davantage confiance au père. Il n’y a rien à attendre. C’est l’autorité, le tabou. La mère transmet bon an mal an la morale, et le père le tabou en tant que borne érigée et rigide de la morale. Personnellement, j’ai résolu le problème de l’autorité paternelle : j’ai trois enfants avec trois pères différents. Vous ne vous doutez certainement pas à quel point vous me parlez à cet instant précis. Je souris avec sympathie. Néanmoins je crispe.

Le couple et la longévité qu’il instaure marque la fin. C’est une impossibilité. Dans la quête du plaisir, qui, elle n’a pas de fin. Vous n’êtes pas d’accord ? Bien sûr. Non, bien sûr j’entends la logique de votre raisonnement, mais de là à claironner ? Qui m’a compris ? Je ne bouge pas, à l’encontre. J’oblique, c’est moi qui pose les questions ici. Trop jeune pour être d’accord. Trop beau pour être honnête. J’ai une question qui n’a rien à voir. Une œillade sur mes notes, de mémoire tout compte fait.