AVEC SON CINEMA CALEBASSE, IL LUTTE
CONTRE RAMBO
" Qu’est-ce
que je fais, moi, en tant que griot, quand Rambo débarque
au village? ",
demande le cinéaste et homme de théâtre
burkinabé Dani Kouyaté. La réponse est
bien simple et il la livre sans plus tarder : " Nous
ne pouvons pas lutter contre la télé, mais nous
pouvons, et nous devons, rentrer dans la télé.
C’est une question de vie ou de mort. "
A 41 ans, le cinéaste
a remporté l’an dernier le Grand prix du jury du FESPACO,
le festival de cinéma de Ouagadougou, pour son deuxième
long-métrage, Sia, Le Rêve du python,
qu’il a présenté au public parisien lors de
sa sortie en salles le 12 juin dernier.
" Pour nous,
le FESPACO c’est plus important que Cannes, et c’est vraiment
un festival mondial ", ajoute Kouyaté
en décriant à mi-mots le snobisme du festival
français. Le FESPACO, insiste-t-il, ne regroupe pas
seulement les meilleures productions africaines, mais aussi
celles des quatre autres continents, et constitue un véritable
carrefour.
Cet objet de fierté
est l’un des derniers vestiges du dynamisme relatif de la
production cinématographique au Burkina Faso, qui a
accueilli pendant une décennie la seule école
de cinéma du continent africain dans sa capitale, " Ouaga ".
Kouyaté est l’un
des représentants les plus reconnus de cette école
technique, qui chaque année acceptait 20 nouveaux étudiants
pour une formation de trois ans, avant de rendre l’âme
dans le milieu des années 1990. "Le marché
africain du film est bien trop restreint et désorganisé
pour accueillir chaque année autant de cinéastes
en son sein", dit Kouyaté.
" Les gens
aiment et consomment le cinéma chez nous, mais ce n'est
pas notre cinéma qu’ils consomment. Mon film a battu
les records d’entrées au Burkina, mais c’est une exception,
car je ne fais qu’un film tous les cinq ans ! Imaginez :
c’est LE film de l’année au pays. "
Le manque de financement
et d’infrastructure est tel que l’Afrique noire dans son ensemble
ne produit qu’un nouveau film par an, rappelle-t-il. Au rythme
d’un film tous les cinq ans, il est difficile de pouvoir construire
une carrière. Les quelques privilégiés
qui ont pu accéder à la formation de l’Institut
africain d’études cinématographiques de Ouagadougou
avant qu’il ne ferme ses portes tentent de jeter les bases
d’un réseau de distribution, mais les avancées
sont modestes.
Dani Kouyaté, lui,
a eu la chance de recevoir la meilleure formation qui soit :
" Je sors de l’école de mon père
avant d’aller à l’école du cinéma. Tout
ce que je fais au théâtre, et au cinéma
aussi, sort de son école. " Entendons-nous
bien, Sotigui Kouyaté, l’illustre papa de Dani, véritable
pilier de la scène culturelle burkinabé et comédien
fétiche de Peter Brook depuis 1984, n’a pas dirigé
d’école de théâtre ou de cinéma.
Dani Kouyaté fait ici référence à
" l’école de la vie ", soit à
la tradition orale des griots dont il est l’héritier.
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