Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     




 

 

 

 

 
Erich Von Stroheim (c) D.R. ERICH VON STROHEIM
On l’appelait seulement Von
Par Sébastien MIGUEL


On l’appelait seulement Von. A Hollywood n’importe qui connaissait Von. Quand de petits blancs becs fraîchement débarqués demandaient : " Mais pourquoi l’appelle-t-on : L’unique ? " On lui répondait sèchement que c’était parce que chaque compagnie ne pouvait tourner qu’un seul film avec lui, après quoi elle était sur la paille !


Evidemment unique il l’était ! Mais dans un sens si grand que ses propres contemporains n’en percevaient que les marques les plus apparentes : physique de monstre, tyran sur les plateaux, prodige capricieux et horriblement dispendieux, perfectionniste torturé, mégalomane, dément, cinéaste de génie… Peut-être était-il un peu tout ça. Peut-être pas. Il n’a réalisé que huit films. Films aujourd’hui peu visibles car peu diffusés, peu distribués et en état catastrophiques. Mais cela n’a qu’une importance relative puisque quasiment aucun de ses films n’est complet. Les plus importants (Foolish Wives, The Wedding March et évidemment Greed et Queen Kelly) furent mutilés, tronqués, détruits, retournés… S’il n’y a plus de Stroheim aujourd’hui, c’est parce qu’il n’y a jamais eu d’œuvre Von Stroheim. Mais simplement des lambeaux qui ne restituent qu’une vision tronquée, un miroir immense dont il ne resterait que quelques fragments à terre. Dispersés, salis et oubliés.

  The Wedding March (c) D.R.
Il était né en septembre à Vienne en 1885. Il était très vite rentré dans l’armée active et était devenu officier Autrichien. Pourtant, et cela personne ne sait vraiment pourquoi, il avait décidé de tout abandonner pour venir en Amérique bien avant le première guerre mondiale. Dès lors, sa position changea du tout au tout. Pour ses débuts américains, Stroheim travaille comme vendeur et marchand de papier-tue-mouche à Newark. Quelques mois plus tard, il prépare le goulasch dans un petit restaurant hongrois de la rue de Houston, l’une des plus mal famées de New York. Ensuite, il part poser des traverses pour le chemin de fer. Puis il devient ouvrier dans l’Ouest, avant d’échouer comme passeur sur le Lac Tahoe au nord de la Californie. Au Sud à quelques kilomètres de lui, Hollywood sortait du sol et l’argent avec lui.

Son ascension tient en peu de mots. Une compagnie cinématographique passe par le Lac Tahoe. Stroheim va l’y rejoindre et gagne de l’argent avec une grande facilité. Il se prend d’affection avec la caméra, s’intéresse aux objectifs, à la vitesse de défilement. Il se joint à l’équipe et rentre avec elle à Hollywood. Il a déjà fait la connaissance de Griffith. Il tourne un film dans le style du grand classique The Student Prince in Old Heidelberg d’Ernst Lubitsch. Stroheim a un visage. Une " tronche ". Il jouera le figurant dans le film. Problème sur la crédibilité des médailles qui doivent apparaîtrent dans le film, Stroheim s’interpose et dessine de vraies médailles d’Heildeberg et est promu aussitôt conseiller technique, avec des gages triplés.

Hearts of the world (c) D.R.
Puis Griffith tourne Hearts of the World en 1918. Stroheim campe un officier allemand. Il est impitoyable dans son rôle de salaud (la période est parfaite). Hautain, sadique, violent, il devient, au fil des films tournés à la chaîne, une star du muet. Il tue des hommes, des femmes et même un petit nourrisson qu’il jette par une fenêtre ! Avec perpétuellement le même rôle, la même caricature d’Allemand. L’Amérique créée le slogan légendaire : " L’Homme que vous aimerez haïr ". En Allemagne, il est conspué et on le stigmatise comme un traître, un déserteur… pire : un pacifiste. Et c’est vrai que ses interprétations en disent plus long sur la folie sanguinaire de la guerre que n’importe quel discours.