Evidemment unique il l’était !
Mais dans un sens si grand que ses propres contemporains n’en
percevaient que les marques les plus apparentes : physique
de monstre, tyran sur les plateaux, prodige capricieux et
horriblement dispendieux, perfectionniste torturé,
mégalomane, dément, cinéaste de génie…
Peut-être était-il un peu tout ça. Peut-être
pas. Il n’a réalisé que huit films. Films aujourd’hui
peu visibles car peu diffusés, peu distribués
et en état catastrophiques. Mais cela n’a qu’une importance
relative puisque quasiment aucun de ses films n’est complet.
Les plus importants (Foolish Wives, The Wedding
March et évidemment Greed et Queen Kelly)
furent mutilés, tronqués, détruits, retournés…
S’il n’y a plus de Stroheim aujourd’hui, c’est parce qu’il
n’y a jamais eu d’œuvre Von Stroheim. Mais simplement des
lambeaux qui ne restituent qu’une vision tronquée,
un miroir immense dont il ne resterait que quelques fragments
à terre. Dispersés, salis et oubliés.
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Il était né
en septembre à Vienne en 1885. Il était très
vite rentré dans l’armée active et était
devenu officier Autrichien. Pourtant, et cela personne ne
sait vraiment pourquoi, il avait décidé de tout
abandonner pour venir en Amérique bien avant le première
guerre mondiale. Dès lors, sa position changea du tout
au tout. Pour ses débuts américains, Stroheim
travaille comme vendeur et marchand de papier-tue-mouche à
Newark. Quelques mois plus tard, il prépare le goulasch
dans un petit restaurant hongrois de la rue de Houston, l’une
des plus mal famées de New York. Ensuite, il part poser
des traverses pour le chemin de fer. Puis il devient ouvrier
dans l’Ouest, avant d’échouer comme passeur sur le
Lac Tahoe au nord de la Californie. Au Sud à quelques
kilomètres de lui, Hollywood sortait du sol et l’argent
avec lui.
Son ascension tient en peu
de mots. Une compagnie cinématographique passe par
le Lac Tahoe. Stroheim va l’y rejoindre et gagne de l’argent
avec une grande facilité. Il se prend d’affection avec
la caméra, s’intéresse aux objectifs, à
la vitesse de défilement. Il se joint à l’équipe
et rentre avec elle à Hollywood. Il a déjà
fait la connaissance de Griffith. Il tourne un film dans le
style du grand classique The Student Prince in Old Heidelberg
d’Ernst Lubitsch. Stroheim a un visage. Une " tronche ".
Il jouera le figurant dans le film. Problème sur la
crédibilité des médailles qui doivent
apparaîtrent dans le film, Stroheim s’interpose et dessine
de vraies médailles d’Heildeberg et est promu aussitôt
conseiller technique, avec des gages triplés.
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Puis Griffith tourne Hearts
of the World en 1918. Stroheim campe un officier
allemand. Il est impitoyable dans son rôle de salaud
(la période est parfaite). Hautain, sadique, violent,
il devient, au fil des films tournés à la chaîne,
une star du muet. Il tue des hommes, des femmes et même
un petit nourrisson qu’il jette par une fenêtre !
Avec perpétuellement le même rôle, la même
caricature d’Allemand. L’Amérique créée
le slogan légendaire : " L’Homme
que vous aimerez haïr ". En Allemagne,
il est conspué et on le stigmatise comme un traître,
un déserteur… pire : un pacifiste. Et c’est vrai
que ses interprétations en disent plus long sur la
folie sanguinaire de la guerre que n’importe quel discours.
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