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  Erich Von Stroheim sur tournage(c) D.R.
La même année, oubliant tous ses déboires relationnels et financiers, il y a comme une sorte de trêve dans le duel Stroheim-Thalberg. Et c’est peut-être ce qu’il peut y avoir de fascinant chez Thalberg. C’est grâce à son goût artistique, sa culture et son intelligence qu’il contribua à produire au sein de la MGM les plus incroyables et originaux films de l’histoire de Hollywood. Il parvient à trouver les financements nécessaires pour tourner un projet aussi fou que Greed. Il offre les pleins pouvoirs à King Vidor pour un chef d’œuvre qui tranche avec tout ce que l’on voyait à Hollywood en 1928 : The Crown. Il produit le chef d’œuvre de Browning, Freaks, encore au sein de la MGM. Pourtant, dans tous ces cas, il fait couper (dépecer parfois) le contenu même du film comme pour Freaks.

En 1925, Thalberg propose que le projet de The Merry Widow soit confié à Stroheim en pensant qu’il pourrait être l’homme de la situation. Pour la première fois, Thalberg propose un budget serré et promet un bonus dépressif. 10 000 dollars si le film est tourné en six semaines, 75000 pour sept semaines etc. Le film est tourné en moins de 4 mois. C’est un succès financier. Le seul de toute la carrière de Stroheim. Miraculeusement, il ne s’agit pas que d’une œuvre de commande mais bien d’un film portant la marque de Stroheim. Fasciné par les costumes, les apparats de ces cours d’époque d’Europe centrale, il reste un moraliste ensorcelé et écœuré à la fois par la dépravation et la grandeur disparue.

Erich Von Stroheim (c) D.R.
En 1928 (le muet est fini), il réalise son avant-dernier film The Wedding March. Et là, évidemment, tout se répète. Les feuilles de l’arbre ne tombent pas bien. Et il faudra dix semaines de travail pour la scène du baiser. Tous, des figurants à l’équipe technique, tout le monde touche de l’or. Et le film traîne. Pourtant il avait juré (comme au temps de Leammle que " juste 500 000 Dollars " suffirait). Le résultat, après la voie ouverte par le remarquable Merry Widow, est un autre chef d’œuvre. Baroque, scandaleux et d’un romantisme enfin exprimé. Les deux héros de ce conte de fée tragique sont des victimes. Victimes d’un monde en pleine décomposition et corruption. Les idées sublimes s’enchaînent sans que l’on soit " choqués. " Tout à l’air naturel. Tout y est original, somptueux. Il est incroyable de penser qu’il ne s’agit que de la première partie du film, la deuxième partie ayant complètement disparu. Un film à la beauté plastique époustouflante. Le seul film qu’il nous reste où l’on approche presque l’œuvre achevée. Mais les images sont crues (on pense à Porcile de Pasolini et surtout à The Damned et à The Innocent de Visconti). Malheureusement pour Stroheim, il est un peu " en avance " et, dans les années vingt, on refuse et rejette ce qui paraîtra de toute façon encore scandaleux dans les années soixante dix.

Gloria Swanson remet Von sur le devant de la scène pour Queen Kelly. Elle ne veut que lui. Le film, ou ce qu’il en reste (à peine 40mn), est le plus bizarre et peut être le moins réussi de Stroheim. Mais là encore, comment savoir ? Le crêpage de chignon est d’une grande violence entre la star infernale et le cinéaste particulièrement excentrique. La scène dans laquelle un vieillard cacochyme et baveux se délecte (pendant qu’un indigène noir viole la douce héroïne) est un monument de laideur et de provocation. On hurle à la démence et il est viré pour la énième fois. La dernière. A Hollywood, après le sabordage du film par les producteurs eux-mêmes (en fait le père des Kennedy, Joseph, amant de Swanson à l’époque !) sa carrière de cinéaste est finie.

  Queen Kelly (c) D.R.
Il continue à trouver des emplois dans les années trente comme acteur dans une série de films pas très réussis et pas très originaux. A Hollywood, Irvin Thalberg meurt à 37 ans. L’industrie change. Il se tourne vers l’Europe. Entre temps les années ont passées et il détient une sorte de stature mythique pour les réalisateurs de l’époque. Il devient une sorte d’objet de culte. Il est magnifique dans les très petits et dans le très grands films qu’il tourne en France (le plus beau étant, bien entendu, La Grande Illusion de Jean Renoir). Bien sûr, il reste souvent l’assassin, le démon démiurge et malfaisant… mais son français si germanique et son inoubliable présence physique demeurent toujours aussi cinématographiques.