Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     




 

 

 

 

 
La Fureur de vaincre (c) D.R. LO WEI
Réalisateur
Par Johannes HONIGMANN


ELOGE

Le Hong-Kongais Lo Wei représente l’archétype de l’illustre méconnu. Beaucoup plus, et connu en Occident de bien plus longue date que ses confrères de l’ancienne colonie britannique, il ne bénéficie pourtant pas de leur notoriété nominale. Petit maître authentique, plus profond et techniquement plus habile que bien des fausses gloires, il a été plongé dans l’oubli par le rayonnement universel de la star qu’il a façonnée : Bruce Lee. Tout le monde connaît Big Boss et La Fureur de Vaincre, mais a-t-on jamais pensé à regarder ces films pour autre chose que les combats qui s’y déroulent, à savoir pour leur mise en scène ? Certes non, et pourtant, à celui qui s’y attelle, les révélations sont nombreuses et les surprises de taille. Un vrai cinéaste est à l’œuvre et non pas un faiseur comme Robert Clouse.

  La Fureur de vaincre (c) D.R.

Un vrai cinéaste, qui aime les plans longs et larges (panoramiques au meilleur sens du terme) et laisse ses personnages se mouvoir dans toute la profondeur du champ, bref, un créateur visuel qui maîtrise les trois dimensions essentielles de l’image. Il suffit de regarder les plans d’ouverture de Big Boss, beaux sans ostentation, d’une humilité de peintre flamand et d’une grande précision atmosphérique.

Un vrai cinéaste, aussi, qui a su parfaitement, en deux longs-métrages, construire le style et le mythe Bruce Lee. Entre le premier combat de celui-ci dans Big Boss et le grand et fabuleux règlement de comptes final de La Fureur de Vaincre, un personnage se développe, une façon de combattre, mais aussi une attitude face à la caméra, une manière d’être mis en scène, d’exister en tant qu’individu filmique, qui n’est certainement pas seulement redevable à l’acteur lui-même. Au début de Big Boss, Bruce Lee n’est qu’un talentueux jeune acteur musclé, une relève de plus dans la prolifique et parfois inénarrable production locale, conduit à jouer le bon dans une histoire un peu tirée par les cheveux et qui s’avèrera d’ailleurs d’une noirceur et d’une violence confondantes. A la fin de ce film, un mythe est en pleine gestation. Je ne reprendrai pas ici ma comparaison, qui figure sur ce même site, entre La Fureur de Vaincre et son misérable remake, Fist of Legend. Mais La Fureur de Vaincre n’est pas seulement un film adulte du point de vue de son sujet et, bien entendu, de son traitement, mais aussi parce qu’il est le film d’un cinéaste et non pas d’un exécutant. A sa vision, transparaît l’interaction productive entre une star en devenir et son Pygmalion, deux hommes intelligents et sensibles.