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Un vrai cinéaste, toujours,
qui réalise des scènes d’action sèches,
violentes, sans bavures. Les qualités de la chorégraphie
mise à part, le montage n’est jamais tapageur, et
les effets de surprise des accès des gradations dans
la violence restent patents, même vers la fin du film.
Quand, au milieu d’un combat particulièrement sauvage,
BL s’empare tout à coup d’une scie, là où,
chez un autre, l’on rirait en se réjouissant du gore
à suivre, chez Lo Wei, on frémit et on craint
le pire. La scie, dans le film, ne sert finalement qu’à
épouvanter l’adversaire, mais le fait qu’elle épouvante
aussi le spectateur, habituellement pourtant toujours prêt
à s’esclaffer avec mépris (ou, au mieux, avec
une bienveillance condescendante) devant tout combat martial,
n’est pas dû au simple hasard, mais à un travail
de fond beaucoup plus inattendu que les standards dits " habituels ".
Un vrai cinéaste, enfin, comme en témoigne
son inspiration toute particulière dans la mise en
scène amoureuse. Les deux personnages de pure jeune
fille de Big Boss et de La Fureur de Vaincre
sont traitées avec un romantisme sincère,
authentique et profondément vital qu’on ne semble
retrouver, sous cette forme immédiate et directement
touchante, sans mièvrerie ni parodie, ni chez le
viril Liu-Chia Liang, ni chez l’homosexuel Chang Cheh, ni
chez le spiritualiste et sublime King Hu, ni chez le misogyne
John Woo, ni chez l’expérimental et fantasque Tsui
Hark, ni chez l’enjoué Ching-Siu Tung, ni chez le
formaliste Yuen-Woo Ping, pas plus que chez Ringo Lam, Johnny
To, Ng-See Yuen ou Jing Wong et tutti quanti. Que dire d’une
scène aussi émouvante que le dialogue nocturne
entre le héros et l’héroïne dans La
Fureur de Vaincre ? Que penser de ces deux zooms
étonnants, car jamais vus ainsi, sur des levers ou
couchers de soleil, associés sans insistance à
de fugaces images de l’héroïne de Big Boss ?
Incontestablement, Lo Wei, dont les films ne brillent pourtant
pas par leur optimisme ou la tendresse des rapports interhumains
qui y ont cours est non seulement capable de dépeindre
la délicatesse, mais aussi de délicatesse
lui-même, comme peu de cinéastes de Hong-Kong
en ont eu la capacité. En réussissant la combinaison
- pardonnez cette platitude - de l’éros et du thanatos,
combinaison sérieuse et humble, et non pas moqueuse,
hautaine ou cynique, Lo Wei mérite qu’on le qualifie
de maître. Pas un grand maître, mais un maître,
plus certainement que John Woo ou Yuen-Woo Ping, plus probablement
que Tsui Hark, autant, à tout le moins, que Liu-Chia
Liang et Chang Cheh. D’une certaine façon, Lo Wei,
à travers ces deux films, semble s’apparenter à
une sorte de Terence Fisher de l’ancienne Cité-Etat,
si Chang Cheh en était le Freda, King Hu le Bava,
Liu-Chia Liang le Roy Ward Baker (je suis peut-être
injuste envers Liu-Chia Liang …) Passons. L’éloge
de Lo Wei s’impose en tout cas, car il serait temps de sortir
de l’âge bête de l’appréciation du cinéma
de Hong-Kong. Sachons voir qu’il y a, parfois, une volonté
de perdurer à travers des qualités intrinsèquement
cinématographiques et même spirituelles dans
les productions qui nous en sont parvenues, et non pas à
travers tel ou tel combat spectaculaire uniquement. En sommes-nous
capables ? Cornaqués par une presse qui ne nous
aide pas (encore), je crains que non … Mais rien n’est jamais
perdu.
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1979 Dragon
Fist / Long quan de Lo Wei avec Jackie Chan,
James Tien
1979
La Hyène intrépide / Hsiao chuan
yi chao de Jackie Chan, Lo Wei
1976
New Fist of Fury / Xin ching-wu men de
Lo Wei avec Jackie Chan
1973 Slaughter
in San Francisco de Lo Wei avec Don Wong,
Chuck Norris
1972
Fureur de vaincre / Fist of fury de Lo
Wei avec Bruce Lee
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