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L'Homme qui plantait des arbres (c) D.R. FREDERIC BACK
Réalisateur
Par Julie REMY


LE MISSIONNAIRE DU CRAYON

Frédéric Back est un cinéaste d'animation à l'ancienne, un conteur qui sait manier la poésie des images dessinées. L'Homme qui plantait des arbres, son chef-d’œuvre « oscarisé » en 1988, c'est aussi un peu lui. Adapté d'une nouvelle de Jean Giono, le film raconte l'histoire d'Elzéar Bouffier, un berger de Provence qui pendant trente ans a bravé le mistral pour reboiser toute une région. Un peu comme son héros, Frédéric Back poursuit sa quête solitaire d'une vie meilleure, en semant non des chênes vigoureux, mais de fragiles dessins qui font rêver et  rappellent l'impérieuse nécessité de vivre en harmonie avec la nature.



  Frédéric Back (c) D.R.

Rencontré dans un hôtel parisien, le cinéaste de 79 ans confie que Dame Nature reste sa plus grande muse. Dès son enfance en Alsace, il est fasciné par les animaux, qu'il décrit comme «les plus grands bienfaiteurs de l'humanité». Cette passion, qui le suivra lors de ses études en Bretagne et qui nourrira sa carrière au Québec, est selon lui un héritage de sa mère paysanne. «Ma mère était une femme très proche de la terre, de la réalité. Chaque occasion était bonne pour aller à la campagne. Cela reste parmi mes plus beaux souvenirs.»

Lorsqu'éclate la Première guerre mondiale, la famille Back décide de quitter Strasbourg et se réfugie en Bretagne. Le jeune Frédéric poursuit ses études de dessin à l'école des Beaux-Arts de Rennes, où il se cache pour éviter d'être enrôlé. Là, il fait une rencontre capitale : Mathurin Méheut, son professeur de dessin, à qui il voue jusqu'à ce jour une admiration sans borne. «Je n'aurais jamais pu trouver un maître qui soit aussi proche de ce que j'adorais. Lui-même représentait des animaux, des paysans au travail avec une force, une illustration du mouvement qui m'a préparé au dessin d'animation. J'ai encore une partie de l'élan qu'il m'a donné, il y a soixante ans. »

Baleines (c) D.R.

Méheut, peintre breton trop peu connu, avait débuté sa carrière comme peintre animalier et a incité son jeune disciple à dessiner sans relâche animaux, pêcheurs et paysages de Bretagne.  «À force, je pouvais dessiner un animal de mémoire à peu près dans n'importe quelle attitude. » 

En 1948, Frédéric Back traverse l'Atlantique pour rejoindre une femme (toujours la sienne aujourd'hui) à Montréal, où il débarque avec une bicyclette et trente dollars en poche. Après quelques travaux de ferme, il enseigne aux Beaux-arts, puis est recruté comme dessinateur pour la chaîne de télévision publique Radio-Canada. Il développera une technique spéciale de peinture sur verre pour réaliser les décors en direct qu'exigeaient les débuts de la télévision.

À cette époque, la figure marquante dans la vie de Back est le producteur Hubert Tison. En 1968, ce dernier crée un studio d'animation au sein de Radio-Canada pour concevoir des films éducatifs. Pendant près de trente ans, le couple Back-Tison s'impose comme le noyau dur de l'équipe, et produira notamment des bijoux comme Illusion (1974), Tout rien (1979) ou Crac ! (1981). Ce dernier film - qui vaudra à Back son premier Oscar et le fera connaître à la face du monde - raconte l'histoire d'une chaise à bascule, de la coupe de l'arbre dans la forêt à la vie de l'objet qui règne au centre du foyer de génération en génération.