Dans le cadre de l’Etrange
Festival 2003, qui s’est tenu au Forum des Images, hommage
fut rendu au bagarreur Sonny Chiba, star du karaté. La découverte
sur grand écran de celui dont le nom fait frémir de plaisir
toutes celles et ceux dont l’horizon cinématographique se
déboucha avec un « plop » sonore dès les premières
minutes du bréviaire vintage qu’est True Romance se
vécut comme une « scène primitive » cinéphilique :
rencontrer ses films, s’était se voir révéler un corps de
cinéma jusque-là figé sur papier glacé, une présence que l’on
devinait digne de respect sans l’avoir encore côtoyé.
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Si la France ne connut que Bruce Lee, Sonny
Chiba offre l’alternative d’une puissance martiale dont la
bestialité, au fil de sa carrière, ne fit que s’amplifier.
En toute logique, c’est en « super vilain » qu’il
effectuera son grand retour dans Stormriders.en 2001.
Bien loin de la beauté hiératique et tourmentée du Petit Dragon,
Chiba impose à l’écran une présence animale et entière, dont
la force virile se complique d‘un sens de l’auto-dérision
rare chez les acteurs martiaux. Ne reculant jamais devant
les bouffonneries et les grimaces, Chiba dégage, même dans
ses rôles les plus « sages », une gouaille de mauvais
garçon qui se doublera dans Streetfighter, et pour
la postérité, d’une malignité au potentiel de séduction redoutable.
Son style martial, fondé sur la fulgurance et la puissance
physique, au mépris d’un fair-play réservé aux aristocrates
du combat, ne peut que désarçonner un spectateur habitué à
la souplesse des gymnastes du kung-fu.
Le phénomène Chiba tire également son aura de sa qualité
de « produit » construit de toutes pièces :
il est une icône syncrétique, associant à la vogue pour les
arts martiaux à mains nus issus de Hong Kong des archétypes
du film de sabre et du film de yakuza, renouvelant ainsi l’imagerie
du « solitaire », dont l’anti-conformisme fait
battre on s’en doute le cœur de tant de « salary men »
nippon. Chiba, comme tout héros japonais, est l’exception
qui confirme la règle. Il marque ainsi une étape cruciale
dans la confusion des archétypes héroïques, synthétisant un
nouveau stéréotype, figure de l’anarchie, vulgaire, haineux,
et sans scrupule. Comme pièce à conviction, il suffira de
se reporter à l’univers des mangas, hanté par les clones aux
gros sourcils et au regard de braise du « streetfighter ».
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