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Super Express (c) D.R.

Streetfighter n’a pas la minutie mythologique de Shaolin Karaté, ni la même place au sein de la carrière de Chiba : il est le rôle qui signe sa consécration, celui qui lui est indélébilement attaché, et qui connut le plus grand rayonnement dans l’imaginaire populaire. Prenant place dans un univers délibérément grotesque, « pop » jusque dans son ultime photogramme, Streetfighter est de ses films qui laisse une empreinte profonde dans la mémoire de son spectateur.

Devant la complexité des trajectoires qu’il initie, on peut supposer que dès l’origine, «Attaque, Poing d’Acier ! » (traduction de son titre original, Gekitotsu, Satsujjin Ken) ai été conçu comme une saga, destiné à se déployer sur plusieurs épisodes. En effet, le film met en place à partir d’un vague prétexte de traque à la riche héritière, avec les millions à la clé qui l’accompagne, une « horde sauvage » de personnages hantés par le désir de vengeance. Ce n’est pas le moindre de ses mérites que d’en dégager rapidement les motivations, sans pour autant ralentir son rythme trépidant. Obéissant à des canons scénaristiques schématiques, Streetfighter va droit à l’essentiel, c’est-à-dire l’action, et ce dès son préambule.

  Ninja Scroll (c) D.R.

Sonny Chiba y interprète un « super tueur » mercenaire, qui agit très vite pour son propre compte afin de satisfaire son appétit vénal. Constamment au bord de l’apoplexie, Chiba campe un personnage diabolique et amoral, et fait de son anti-héros un être à peine humain, d’une bestialité inédite. Face à lui, le surprenant super vilain se révèle un homme bafoué et manipulé, grand frère désireux de prendre sa revanche sur le « streetfighter », qui n’a pas hésiter à faire prostituer sa sœur pour couvrir une dette. Loin d’être un simple prétexte à des combats ininterrompus, le raffinement avec lequel se noue des antagonismes implacables participe de l’atmosphère profondément cruel d’un film d’une grande violence, où les sentiments nobles deviennent des instruments de pression, et où l’homme dans son bon droit en vient, ironiquement, à devenir le bras armé des « mauvais ». De cette inversion systématique des valeurs manichéennes du film d’aventure et du film d’arts martiaux Streetfighter extrait une atmosphère d’une grande noirceur.

Le chevronné (105 films à son actif) Shigehiro Ozawa rompt avec l’emphase déployée dans Bodyguard Kiba et Shaolin Karaté, et opte pour une mise en image sobre, suffisamment effacée pour rendre plausible le caractère délirant de son scénario. Il déploie par contre une inventivité bienvenue dans la représentation des combats, conçus comme autant de moment d’anthologie, certains passés depuis à la postérité : impossible de ne pas songer au final de Ninja Scroll, anime de Yoshiaki Kawajiri, lors de l’époustouflante clôture de Streetfighter ; toute la difficulté résidant pour le cinéaste à « réaliser » un univers « exploitation », sans tomber dans le piège de la surenchère. En s’attardant sur la préparation des combattants, leurs exercices respiratoires, il les densifie, les humanise par le rappel constant de leur mécanique corporelle. Dès lors, des effets de style à priori cartoonesques, certains passés dans les motifs courants du film d’art martiaux comme l’image célèbre de la radiographie « en direct » de l’impact d’un coup sur le crâne d’un assaillant, s’intègrent à la description minutieuse de la réalité physique de ces rixes.