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Streetfighter (c) D.R.

Shaolin Karaté (Shorinji kenpo) , bien que postérieur d’un an à Streetfighter, apparaît dans la construction de la mythologie de Chiba comme un film intermédiaire nécessaire, explorant des pistes jusque-là esquissées de cette figure complexe : pour asseoir définitivement un mythe, construisons lui une histoire.. Biographie d’un imaginaire maître des arts martiaux, promoteur d’un karaté métissé de boxe chinoise, Shaolin Karaté consacre Sonny Chiba comme héros national, pour une fois défini dans un registre héroïque positif. Personnage jusque-là « sans histoire », surgi du néant tout armé, Chiba y traverse ici les époques et trouve son origine dans l’immédiat après-guerre, celui du Japon défait et sous le coup de l’occupation américaine.

On ne détaillera pas ici le cheminement exemplaire du personnage de Doshin So, depuis son enfance sans père où déjà sa détermination se dévoile, jusqu’à la création de son propre dojô, et son rôle de redresseur de tort dans la communauté villageoise où il s’installe. Partant des caractéristiques déjà évoquées de la star, Shaolin Karaté en reconstitue la généalogie. Ainsi de la brutalité qui s’origine dans un contexte par lui-même perverti, ou règne la loi du plus fort. Désigné héritier du Japon vaincu, Chiba en incarne la force positive, le « grand frère » indomptable. Le glissement spatial qui s’opère au cours du film, s’éloignant peu à peu de toute réalité moderne pour s’enfermer dans l’espace atemporel du dojo souligne cette « panthéonisation » du comédien, et la croyance en l’immuabilité d’un cadre de vie traditionnel. Cela pour mieux faire résonner dans le contexte complexe du Japon des années 70 un appel à l’auto-discipline. 

  Jubei Kopia (c) D.R.

Pour note, on soulignera à nouveau la comparaison avec Fukusaku que nous sommes ici bien éloignés de la trajectoire désespérée et auto-destructrice à l’œuvre dans son cimetière de la Morale, quasi contemporain de Shaolin Karaté. Pour mémoire, ce film nous donne à voir la vie misérable d’un ancien soldat devenu yakusa, et qui, après une vie de violence et de douleur, se suicide. On ne peut être plus antinomique dans l’appréhension d’une société japonaise en pleine mutation quoique le dojô de Shaolin Karaté ait tous les attributs du fantasme.

Mais peut-être l’élément le plus audacieux, et en même temps le plus évident (ne serait-ce que par son titre d’exportation, condensation éclairante), qu’apporte Shaolin Karaté à la mythologie de sa star, réside dans l’affirmation de son métissage. Les influences chinoises de son style martial en font en effet une figure au confluent de plusieurs cultures. Sonny Chiba, en star usinée pour contrer la déferlante « kung fu », dont le plus grand succès, Streetfighter, ne se conçoit pas hors de l’influence du Opération Dragon de Bruce Lee, se voit dès lors légitimé dans son altérité. Cette héroïsation du métis se double de références, tout au long du film et par la bouche de Doshin So, aux exactions japonaises commises en Chine durant la 2nde guerre Mondiale : un sujet longtemps tabou, que le rapprochement sino-américain contemporain du film contribua à faire éclater. Le réalisateur de Shaolin Karaté, Norifumi Suzuki, dote le film de karaté, sous-genre hybride, d’une identité propre, fondée sur le métissage et la remise en question d’une culture guerrière traditionnaliste, que la star Chiba exemplifie et supporte.