Le cinéma de Michael Winterbottom pourrait
se définir en deux mots : prolixité et éclectisme.
En effet, ce cinéaste britannique de 42 ans, insaisissable et
passionnant, a musardé dans tous les registres (western, comédie,
tragédie, docu-fiction…), en faisant à chaque fois montre d’une
originalité dans le traitement de ses sujets. Grâce à In
The World, son dernier film, il a reçu un Ours d’or au dernier
festival de Berlin. Plus que le film lui-même, c’est surtout
le parcours du cinéaste que le jury du festival récompensait.
A l’occasion de la sortie de In the World, beau témoignage
sur la condition des immigrés, revenons sur le parcours de ce
cinéaste fâché avec les conventions et la prévisibilité.
VIDEODROME
Lorsqu’il était tout jeune, dans les
années 60, Michael avait la chance d’avoir des parents tolérants
- ou inconscients - (une mère institutrice et un père employé
chez Philips) qui le laissaient passeSZr des heures devant
la télévision. Bilan des courses : avec tous les films qu’il
a ingurgité, il a fini par acquérir une culture cinéphile
robuste et vaste qui fera naître en lui la passion pour le
septième art. La vingtaine, Michael passe une licence de lettres
à Oxford en même temps qu’il fréquente de plus en plus sérieusement
les ciné-clubs du coin, et s’envole pour Bristol où il étudie
le cinéma sous toutes formes.
Petit à petit, le cinéaste s’infiltre doucement mais sûrement
dans le milieu en commençant au début des années 80 par la
case «télévision» (Thames TV), en tant que monteur pour des
téléfilms. Progressivement, il devient documentaliste et signe
deux portraits sur le cinéaste Ingmar Bergman (The Magic
Lantern, et Ingmar Bergman: The Director). A l’époque,
Bergman se dit très satisfait du travail de Michael. C’est
alors qu’il est embauché pour mettre en scène des petits téléfilms
(Time Riders, Love Lies Bleeding) aux sujets divers
et variés, pour la plupart tous encore inédits dans l’Hexagone.
Le moins que l’on puisse en dire, c’est que les intrigues
étaient très différentes les unes des autres et appuyaient
déjà l’originalité de l’artiste. En écho, les conditions du
tournage étaient même parfois acrobatiques. Par exemple, sur
Under The Sun en 1992, qui racontait le parcours d’une
jeune femme opiniâtre dont la seule ambition était de faire
le tour du monde, le scénario fut écrit au fur et à mesure
que le tournage se déroulait.