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1994, ANNEE DECISIVE

Butterfly Kiss (c) D.R.
En 1994, Winterbottom se fait remarquer avec Family, un feuilleton en quatre épisodes sur une famille de Dublin avec lequel il obtint de nombreux prix. Grâce à cela, le cinéaste passe un cap et fonde, avec son associé Andrew Eaton, la société de production «Revolution Film». Un an plus tard, il signe son premier long métrage : Butterfly Kiss, un drôle de road-movie dont le seul cadre est une autoroute. A l’époque, les critiques décrivent le film comme une sorte de Thelma et Louise sous acide. Ce n’est pas faux : la rencontre de ces deux femmes différentes (la coincée et la dévergondée) fonctionne parfaitement bien d’autant qu’elle est mise en valeur par deux excellentes actrices, Amanda Plummer et Saskia Reeves. Bien qu’imparfait, le résultat, au budget très économique (tourné pour 400 000£), annonce toutefois la naissance - parmi les grands - d’un cinéaste qui a le bon goût de court-circuiter les us d’un cinéma britannique trop embourbé dans les lieux communs. Ça fait du bien.

Par la suite, Winterbottom propose pour la BBC le douloureux Go Now, avec Robert Carlyle, dans lequel un homme, ancien joueur de foot, atteint de la sclérose en plaque, tente de s’en sortir en dépit des réactions maladroites de son entourage.

  Jude (c) D.R.
C’est un fait : Michael Winterbottom ne possède aucun plan de carrière et évite tout ce qui rime avec la redondance. Jude, qu’il réalise en 1996, est une adaptation magistrale du roman Jude l’obscur de Thomas Hardy, le livre qu’il rêvait de mettre en scène. Au final, ce sera son chef-d’œuvre : Winterbottom ne réussira pas par la suite à retranscrire avec autant de force la passion et l’exacerbation des sentiments, sauf peut-être dans l’excellent I Want You. La noirceur et la singulière sensualité qui émanaient du roman sont fidèlement respectées, les situations se révèlent très éprouvantes, et les personnages, cloisonnés dans la spirale du drame et de la passion, survivent longtemps en nous après la vision du film. Bien avant Titanic, Kate Winslet délivrait ici sa plus belle prestation, toute en justesse et en émotion retenues. Quant à Christopher Eccleston, c’est la révélation. Par la suite, il deviendra l’acteur fétiche du cinéaste. On le verra à plusieurs reprises dans des rôles plus ou moins brefs notamment dans With or Without You.


D’UN COTE, LA LEGERETE ; DE L’AUTRE, LA GRAVITE.

With or without you (c) D.R.
Pas peu fier de l’accueil critique très chaleureux – et justifié – de cette admirable tragédie, Winterbottom surprend tout le monde en 1998 avec deux films radicaux et brillants : tout d’abord, I Want You, un drame policier superbe, érotique et esthétisant (tout en filtres), déprimant et formellement impressionnant dans lequel l’histoire - alambiquée - importait moins que l’atmosphère - envoûtante - où des acteurs (Marisa Tomei, Rachel Weisz, Alessandro Nivola…) étaient venus se perdre avec une belle générosité; puis Welcome to Sarajevo, «film de guerre» passionnant où un journaliste de guerre se prend de compassion pour une adolescente bosniaque. En 1999, il enflamme les cœurs avec Wonderland, un film choral touchant et désespéré où Winterbottom autopsie les joies et les peines d’une poignée de gens perdus dans Londres ; et avec With or Without You, une comédie vaudevillesque, cocasse et égrillarde dans laquelle notre Yvan Attal laissait deux secondes sa Charlotte et s’amusait à perturber les desseins d’un couple en crise qui n’arrive pas à avoir d’enfant. La vie est donc dure pour nos trois amis? Non. Ce n’est pas une invitation à la grise mine mais au sourire. De séquences hilarantes en parenthèses tendres, le film séduit par sa demi-teinte légère et son ton joliment désinvolte.