Un
cinéaste européen, n’est-ce pas celui dont le public
des festivals de cinéma européens attend chaque année avec
curiosité la dernière production ? Si l’expression en soi
ne revêtait pas une connotation bureaucratique, Vincent Dieutre,
cinéaste du voyage intime et politique, habitué des festivals
de cinéma, notamment ceux de Berlin et de Locarno, avec Leçons
de ténèbres et Mon voyage d’hiver, pourrait correspondre
à une définition de cinéaste européen, car il reste presque
plus connu des festivaliers allemands que du public français.
Si Bonne Nouvelle, voyage à travers l’histoire intime
et l’histoire politique du cinéaste dans le quartier parisien
du 10e arrondissement, a été diffusé sur Arte,
le reste de ses films, en attendant avec impatience une édition
dvd, connaît en France une diffusion plus restreinte dans
le circuit classique, comme si la salle de cinéma devenait
un espace trop confiné pour certaines œuvres audiovisuelles
hybrides conçue dans une économie de production qui allie
geste artistique et geste politique.
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Mon
voyage d’hiver, deuxième long métrage de Vincent Dieutre
qui a depuis terminé Bologna centrale (ce film documentaire
issu d’une émission radio de France-Culture va être projeté
en Italie), a pourtant été pensé dans la perspective de la
diffusion en salle de cinéma, lieu qui selon Dieutre permet
encore un accès à des émotions uniques. Dans sa démarche de
cinéaste proche de l’art contemporain dans lequel l’écran
unique de la salle de cinéma cède le plus souvent la place
à des dispositifs vidéos aux écrans séparés, Dieutre entrecroise
toujours plusieurs régimes d’images (vidéo et pellicule) et
plusieurs niveaux d’histoires (artistique, historique, et
intime). Dans Mon voyage d’hiver, Dieutre travaille
par superposition et contrepoint, son rapport à l’art contemporain
ne se jouant pas uniquement sur le rapport à l’intimité et
à la mise en jeu de personnes réelles mais aussi dans la construction
d’un dispositif-réceptacle des personnes et des œuvres d’art
qui infusent le film. Que ce soit dans Leçons de ténèbres
ou dans Mon voyage d’hiver, second volet d’une trilogie
annoncée dont le prochain film se passera en Angleterre, le
cinéaste met en scène un rapport aux autres arts (musique
classique, peinture, littérature) qui devient la métaphore
de la fonction cinéma comme creuset des bruits de monde et
de soi. Pourquoi inventer des fictions quand elles existent
déjà en nous et autour de nous dans les musées ? semble
se dire le cinéaste.
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