PORTRAIT D’UNE FEMME FORTE
On la savait professionnelle, mais
on ne l’imaginait pas aussi naturelle, Emmanuelle. En jean
et blouson, pas maquillée, elle rayonne. Emmanuelle Seigner,
il faut préciser. Car en plus de porter un prénom déjà utilisé
dans le cinéma, son nom ne l’aide pas forcément à se faire
identifier : « les Américains ne sont pas fichus
de le prononcer, les Français confondent avec Sagnier (Ludivine)».
Alors quand ils ont voulu la faire changer de nom lors du
lancement de Frantic en 1988 pour la rebaptiser
« Emmanuelle Jones », elle aurait dû dire
oui, pense-t-elle aujourd’hui. Puis lorsque sa sœur Mathilde
a commencé dans le métier, elle a souhaité garder son nom… « après,
c’était trop tard ».
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C’est vrai qu’avec le récent tournage
de Laguna, un film italien réalisé par Denis Berry
pour la prestigieuse chaîne de télévision américaine HBO,
et Les Immortels, de Vasconcelos, film pour lequel
elle s’est mise au portugais de manière phonétique sans
trop comprendre ce qu’elle disait, il faut reconnaître que
l’actrice sait faire rimer carrière et international. La
sélection de ses films est essentielle, car Emmanuelle n’est
pas de ces actrices qui apprennent leurs textes au maquillage ;
non, elle veut pouvoir s’y donner entièrement : « ça
prend tellement de temps de faire un film !» Il
faut en avoir envie, sinon c’est une perte de temps, et
quand on a deux enfants comme elle, il est bien normal de
devoir de s’organiser.
En ce moment, c’est un peu exceptionnel, la comédienne cumule
cinéma et théâtre. Il y a le tournage de Ils se marièrent
et eurent beaucoup d’enfants, une comédie d’Yvan Attal,
qui se termine tout juste : « Les Américains
ont adoré Ma femme est une actrice, c‘est un humour
qui leur parle », s’étonne-t-elle, « et
puis ce film a énormément de charme ». On ne l’attendait
pas dans cette comédie où le tournage est une suite d’éclats
de rire. Ce n’est pas de changer de répertoire et passer
du drame à la comédie légère qui lui a semblé difficile,
« ça c’est juste du métier » explique-t-elle
modestement, « mais c’est de rester concentré avec
un Alain Chabat sur le plateau… ! ». Le choix
peut surprendre, elle le défend, comme tout ce qu’elle fait,
avec cœur et fermeté : « ce film m’a paru un
évidence, je ne pouvais pas dire non ». Après de telles
journées, Emmanuelle enchaîne avec les représentations de
Hedda Gabler, la pièce de Henrik Ibsen, mise en scène
par Roman Polanski au théâtre Marigny depuis le 7 octobre
2003. Ce rythme effréné s’achève avec la fin de l’année,
c’était « physiquement épuisant » :
à voir comme, sur la scène parisienne, elle incarne avec
prestance Hedda, cette femme grave et passionnée, une nature
forte comme elle, on la croit sans mal.