Car là est tout le talent de Danielle :
dans sa présence à l’écran quasi intemporelle, parce que
son jeu n’est pas alourdi par le style d’une époque. Le
style Darrieux vieillit bien ou plutôt il ne vieillit pas ;
comme quoi DD est une actrice à part entière, identifiable
entre mille, moderne dès le départ. Lorsqu’elle incarne
un personnage, c’est comme si Danielle jurait de dire toute
la vérité, rien que la vérité. Elle est authentique à travers
ses rôles. Elle travaille avec instinct et sublime tout
dans l’instant. Ce n’est plus elle et pourtant c’est du
grand Darrieux. On appelle cela le talent.
Pendant toutes les années qui suivent, Darrieux se tourne
souvent vers de nouveaux réalisateurs : pharmacienne
un peu glauque chez Gilles Grangier (Le désordre et la
nuit, 1958), victime chez Chabrol (Landru, 1962),
ou mère des Dorléac-Deneuve chez Demy (1966), DD vit avec
son époque et continue de chanter (Les Demoiselles de
Rochefort) : « Jacques Demy me « voulait »
depuis longtemps, ce qui était d’ailleurs réciproque. Il
vint me chercher pour Les Demoiselles de Rochefort. J’y
ai d’adorables partenaires, mes deux « filles »
et Piccoli, que j’estime et admire. Le bonheur ne se raconte
pas. Je dirai simplement que j’ai vécu un tournage de rêve. »
Dix-sept ans plus tard, Darrieux retrouvera Demy dans une
Chambre en ville… Ainsi Danielle n’a pas seulement
envie de beaux projets, elle a aussi besoin de rencontres.
Or celles-ci sont souvent très belles. Manckievicz la dirige
en 1951 dans L’Affaire Cicéron, Téchiné l’appelle
quelques années plus tard sur Le lieu du crime (1986),
année pendant laquelle elle tourne également Corps et
Biens de Benoît Jacquot. En 1987 enfin elle incarne
très finement la mère de Daniel Auteuil dans Quelques
jours avec moi de Claude Sautet.
Artiste complète, Danielle Darrieux communique son savoir-faire
à l’écran comme sur les planches. Son professionnalisme
et sa tchatche naturelle, elle les met au service du travail et
des beaux textes : DD, qu’on se le dise, peut tout
jouer ! Bernstein, Musset, Noël Coward, Guitry, et
même la pièce made in Broadway sur la vie de Coco Chanel.
Plus près de nous, Oscar et la dame rose de Eric-Emmanuel
Schmitt lui permet l’an passé de rencontrer Molière, puisqu’elle
reçoit celui de la meilleure actrice devant une salle qui
l’acclamait debout. Après Jalna en 1994, elle tourne
également pour la télévision dans les Liaisons dangereuses
de Josée Dayan (2003). Enfin, toute revigorée par le
succès du viril Huit Femmes, fraise tagada au cyanure
signée Ozon, elle continue pour nous de jouer (et pour elle,
de s’amuser…) au cinéma. Tout simplement.
Ingénue, fatale, femme meurtrie,
grand-mère alcoolique, DD a tout fait parce qu’elle peut
tout faire. Elle possède la jeunesse d’esprit qui fait qu’aujourd’hui,
toujours, elle reste ce qu’elle est devenue. Darrieux est
de ces actrices qui savent incarner des rôles justes, sans
trahir les différents âges de leur vie de femme. Actrice
et femme, Danielle a avancé, fait des choix, souvent les
bons. Ophuls, Mankiewicz, Demy, Téchiné… voilà dans le jargon
de cinéphile, ce qu’on appelle des bons choix. Un talent
peut en cacher un autre. Darrieux, sur un tournage, aime
être dirigée, car un film est une histoire de confiance entre
un metteur en scène et son interprète. Si elle n’est pas
dans l’action, surtout le lui dire. Surtout pas la langue
de bois. Surtout ne pas être impressionné par elle ou elle
vous balancera une blague dont elle a le secret. C’est
du Darrieux tout craché, elle ne veut pas savoir ce que
star veut dire, surtout si la star, c’est elle.
Propos de l’editeur :
En 1931, une fillette de treize ans et demi, curieuse
et amusée, pénétrait pour la première fois dans
un studio de cinéma... Elle n'en est jamais ressortie.
Marie Vetsera de Mayerling, Katia, le grand amour
d'Alexandre II, Amélie d'Avranches, Bébé Donge,
Madame de..., Louise de Rénal, Marie-Octobre,
Yvonne, mère des jumelles de Rochefort, Alice,
héroïne de Stefan Zweig, Margot Langlois, propriétaire
d'une chambre en ville, ont toutes le visage et
l' âme de Danielle Darrieux. " Quelle sublime
comédienne, disait Max Ophüls, regardez ce tendre
mouvement de l'épaule... et ce sourire qui ne
sourit pas mais qui pleure. Ou qui fait pleurer.
Je l'adore. " D'autres l'ont aimée et l'adorent
toujours : Henri Decoin, Maurice Tourneur, Claude
Autant-Lara, Julien Duvivier, Joseph Mankiewicz,
Jacques Demy, Dominique Delouche, Paul Vecchiali,
André Téchiné. Et tout d'abord, avant eux, avant
tout, le public, son public. Un public captivé,
fervent et fidèle. C'est à lui que cet album est
dédié.
Auteur :
Danielle Darrieux, Jean-Pierre Ferrière Nombre de pages :
215 pages Format :
25 cm x 29 cm Illustration :
Photos couleur Editeur :
Ramsay
1931Le Bal
de Wilhem Thiele 1932Mauvaise Graine de Billy Wilder 1936Mayerling d'Anatole Litvak 1937Abus de confiance de Henri Decoin 1941Premier rendez-vous de Henri Decoin 1947Ruy Blas de Pierre
Billon 1950La Ronde de Max Ophuls 1951L’Affaire Cicéron de Joseph Mankiewicz 1952Madame de… de Max Ophuls 1953Rouge et le Noir de Claude Autant-Lara 1958Marie-Octobre de Julien Duvivier 1966Les Demoiselles de Rochefort de Jacques
Demy 1976L’année sainte de Jean Girault 1982Une chambre en ville de Jacques Demy 1986Le lieu du crime d'André Téchiné 1988Quelques jours avec moi de Claude Sautet 2000Ça ira mieux demain de Jeanne Labrune 2002Huit Femmes de François Ozon