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Insouciante et légère dans la vie,
Darrieux est de même à l’écran. A elle les rôles de jeune
fille embarquées malgré elles dans des flirts comiques,
des escroqueries de quatre sous. De la « fiancée de
Paris », on veut alors faire sa meilleure amie ou son
amour de jeunesse : le spectateur s’attache à elle
et c’est définitif. DD sourit, DD fait la moue, DD est comme
tout le monde. Elle expliquera modestement, bien plus tard,
combien ce registre a joué pour elle : « Le
succès, c’est un mystère, j’ai réussi peut-être parce que
mon personnage n’était pas courant sur les écrans :
je veux dire par là que je n’étais simplement qu’une jeune
fille, alors que les autres gamines de quatorze ans jouaient
déjà à la vamp ». Consciemment ou pas, Danielle
se laisse le temps d’évoluer avec ses rôles, espérant peut-être
un film qui s’appellerait Mayerling ou Katia…
Respectivement tournés en 1935 et 1938, Mayerling
d’Anatole Litvak et Katia de Maurice Tourneur, marquent
une étape sur le chemin professionnel de Darrieux. Drames
politiques et passions amoureuses tout à la fois, ces deux
productions font d’elle une aristocrate au bord du ravin,
mais une jeune comédienne dont on découvre - surtout - le
potentiel dramatique. En incarnant Marie Vetsera éprise
de l’archiduc Rodolphe (Charles Boyer) comme en étant Catherine
Dolgorouki, DD révèle une recherche dans un jeu de plus
en plus affinée et maîtrise parfaitement l’évolution de
ses rôles. Ces œuvres, romanesques, vont désormais lui permettre
de contribuer à des projets aussi axés vers le mélodrame
(Abus de confiance ou Battement de cœur d’Henri
Decoin, son mentor et mari).
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Après une brève escapade hollywoodienne
et la fin de la guerre, Darrieux rencontre toutefois une
période de travail plus calme. Les projets intéressants
se font alors rares, et même si Cocteau-scénariste fait
appel à Danielle pour le Ruy Blas réalisé par Pierre
Billon en 1947, le film n’est pas à la hauteur de ses auteurs
ou interprètes. Quoi qu’il en soit il restera pour les cinéphiles
le prétexte à la rencontre de trois artistes uniques : Cocteau,
Darrieux et Marais.
Fort heureusement les années 50 sont là, avec leur lot de
rencontres et de bons projets. Le rouge et le noir
de Claude Autant-Lara sonne en quelque sorte une « renaissance »
de DD, et sa rencontre avec Gérard Philippe « preuve
de l’éternelle jeunesse du monde » comme disait Aragon,
marque pour longtemps les esprits. Les grands rôles sont
là, ils sont faits pour Darrieux … Ophuls, Max de son prénom,
va ainsi faire d’elle sa favorite. D’abord avec La ronde
(1950), puis avec Le Plaisir (1951), et surtout
grâce à Madame de…(1953), Ophuls est à Darrieux ce
que Tarzan fut à Jane : « Max Ophuls m’a
permis de découvrir le cinéma ou, plutôt, un autre cinéma.
Avant lui, j’avais beaucoup tourné. De bons et mauvais films.
Avec Max Ophuls, je suis entrée dans un univers délicat
et magique, où la mort rôde dans des décors insensés, mais
plus vrais que nature. Après Madame de – qui restera mon
film, celui grâce auquel on ne m’oubliera pas tout à fait
- Max Ophuls ne voulait tourner qu’avec moi et me proposait
un nouveau sujet presque tous les jours. » Le cinéaste
donne à son interprète l’un de ses plus beaux rôles ;
grâce à lui, elle retrouve l’envie de tourner et la passion
de son métier. Aussi Danielle continue sur sa lancée :
La Vérité sur Bébé Donge de Decoin, toujours, et
Marie-Octobre de Julien Duvivier en 1958, transforment
l’ingénue d’autrefois en épouse bafouée, en résistante bien
décidée à venger son amant sacrifié. Des rôles majeurs dans
des films qui, en partie grâce à elle, n’ont pas vieilli…