Sous les yeux analytiques de Mulloy, Les Dix commandements, deviennent des préceptes absurdes qui tendent à démontrer la perversité de la religion en tant qu'institution. Au final, ce sont toujours ceux qui respectent les règles qui se retrouvent abusés. Dans Tu ne convoiteras la femme de ton voisin, un homme est ainsi déterminé à gagner l'amour de la femme de son voisin. Il remarque qu’elle chouchoute beaucoup son chien, il décide alors de se transformer en chien pour gagner son adoration. Dans les deux cas, Mulloy présente des personnages forcés de vivre dans un monde déshumanisant et étouffant. Une perception pessimiste mais assez lucide du système de fonctionnement de la société. Une société égoïste et individualiste qui tend de plus en plus à faire disparaître toute la bonté contenue dans la nature humaine comme la générosité ou la solidarité.

Et pour mieux représenter cette déliquescence de l'humain en l'homme, Mulloy dessine des lignes grasses fines et noires et représente les hommes par des figures squelettiques avec des crânes noirs, des yeux blancs et un nez long et flasque. Des figures humaines lugubres directement inspirées de la fête des Morts mexicaine et qu'on pourrait croire presque déjà morts (ou entre la vie et la mort). Parmi les autres influences de Phil Mulloy, il y a les gravures sur bois rudimentaires illustrant les pamphlets politiques de la guerre civile anglaise ainsi que les œuvres du marquis de Sade. En effet, Mulloy dresse dans toutes ses œuvres une peinture sadique des mœurs sociales qui trouve un parallèle évident dans la littérature de Sade. Rude, acide et minimaliste, l’art de Phil Mulloy va droit au but et ne s’encombre pas de style et d’esthétisme pour s’attaquer aux multiples facettes de l’irrationalisme humain. Et quand on s’attaque aux tabous humains, quoi de mieux que de mettre en scène des extraterrestres aux mœurs étranges.

La planète Zog fournit un résumé de l'univers de Mulloy. Les Zogs sont des aliens qui ont la tête à la place du sexe et leurs sexes sur leurs têtes. Des hommes trouvent un document filmé de la vie sur la planète Zog. Horrifiés par ce qu’ils voient, ils décident d’envoyer une expédition dans l’espace pour tuer cette espèce dépravée. Ce qu’ils ne savent pas c’est que les Zogs ont découvert eux aussi un film de la vie sur Terre…Mulloy s’amuse et prend plaisir à explorer et à décortiquer la nature humaine. Il sait aussi que l’abstraction de son graphisme est une manière de mettre en valeur ces idées et ces thématiques stimulant ainsi notre réflexion.

Provocateur, méchant, et tout à fait drôle, Phil Mulloy s’inscrit dans le sillon du cinéma déjanté à la Bill Plympton et prouve que l'animation n'est pas uniquement destiné aux enfants mais peut aussi servir d'outil intellectuel et artistique important pour creuser les subtilités de l'existence.