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May (c) D.R. LUCKY MC KEE
Réalisateur du film May
Entretien réalisé
le 12 février 2004
Par Romain LE VERN


En plus d’être la révélation fantastique de ce début de l’année, May, premier long-métrage du cinéaste Lucky McKee, met en scène le quotidien pâlot d’une demoiselle qui essaye de nouer des liens, de trouver le grand amour et qui, suite à de multiples déceptions, finit par fabriquer littéralement son compagnon idéal. Un requiem glacé, une relecture intelligente du mythe de Frankenstein, un hommage aux gialli transalpins, une descente aux enfers qui foudroie du regard et annihile toute scorie mélodramatique... Le genre de films qui secouent.



DANS SA PEAU A ELLE...

  May (c) D.R.

A la lecture du synopsis (une jeune femme, seule, mal dans sa peau, bascule dans la folie et fabrique un être idéal), on est en droit d’avoir peur. Peur du constat social qui disserte maladroitement sur la solitude et en radiographie ses conséquences délétères. Peur de la surenchère horrifique qui se fourvoie dans le précipité complaisant et le mélo putassier... Bref, l’horreur. Surprise : il n’en est strictement rien. May, premier long-métrage de Lucky McKee (réalisateur à surveiller de très près) balaie les conventions pour brosser le subtil portrait d’une femme névrosée. May (Angela Bettis, parfaite) est une demoiselle atypique, renfermée, complexée par un strabisme qu’elle tente de masquer. Elle est en pleine crise existentielle et se pose des questions sur elle-même et son rapport avec les autres. Secrètement, elle passe son temps à attendre le grand amour. Sagement. Jusqu’à ce que ses névroses, latentes, indicibles, ne fassent surface.

May est un personnage complexe et foncièrement humain mais incapable de paraître comme tout le monde, de faire confiance, de garder bonne mine dans les situations critiques et de masquer ses émotions. Pourtant, ce n‚est pas de la mauvaise volonté: elle s’investit immensément dans ce qu’elle fait et tente toujours de se mettre au diapason. Par exemple, elle s’inscrit dans une école pour handicapés afin de se rapprocher d’une enfant aveugle. Elle pense que sa présence peut l’aider à surmonter son handicap qui la coupe du reste du monde. En réalité, c’est elle-même qu’elle tente de sauver. Une scène mémorable où elle montre aux enfants sa poupée Suzy (sorte de reflet matériel de son incapacité à se mêler aux autres), marque les prémisses d’un repli sur elle-même de plus en plus dévastateur.