En plus d’être la révélation fantastique
de ce début de l’année, May, premier long-métrage du
cinéaste Lucky McKee, met en scène le quotidien pâlot d’une
demoiselle qui essaye de nouer des liens, de trouver le grand
amour et qui, suite à de multiples déceptions, finit par fabriquer
littéralement son compagnon idéal. Un requiem glacé, une relecture
intelligente du mythe de Frankenstein, un hommage aux gialli
transalpins, une descente aux enfers qui foudroie du regard
et annihile toute scorie mélodramatique... Le genre de films
qui secouent.
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DANS SA PEAU A ELLE...
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A la lecture du synopsis (une jeune femme, seule, mal dans
sa peau, bascule dans la folie et fabrique un être idéal),
on est en droit d’avoir peur. Peur du constat social qui disserte
maladroitement sur la solitude et en radiographie ses conséquences
délétères. Peur de la surenchère horrifique qui se fourvoie
dans le précipité complaisant et le mélo putassier... Bref,
l’horreur. Surprise : il n’en est strictement rien. May,
premier long-métrage de Lucky McKee (réalisateur à surveiller
de très près) balaie les conventions pour brosser le subtil
portrait d’une femme névrosée. May (Angela Bettis, parfaite)
est une demoiselle atypique, renfermée, complexée par un strabisme
qu’elle tente de masquer. Elle est en pleine crise existentielle
et se pose des questions sur elle-même et son rapport avec
les autres. Secrètement, elle passe son temps à attendre le
grand amour. Sagement. Jusqu’à ce que ses névroses, latentes,
indicibles, ne fassent surface.
May est un personnage complexe et foncièrement humain mais
incapable de paraître comme tout le monde, de faire confiance,
de garder bonne mine dans les situations critiques et de masquer
ses émotions. Pourtant, ce n‚est pas de la mauvaise volonté:
elle s’investit immensément dans ce qu’elle fait et tente
toujours de se mettre au diapason. Par exemple, elle s’inscrit
dans une école pour handicapés afin de se rapprocher d’une
enfant aveugle. Elle pense que sa présence peut l’aider à
surmonter son handicap qui la coupe du reste du monde. En
réalité, c’est elle-même qu’elle tente de sauver. Une scène
mémorable où elle montre aux enfants sa poupée Suzy (sorte
de reflet matériel de son incapacité à se mêler aux autres),
marque les prémisses d’un repli sur elle-même de plus en plus
dévastateur.
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