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L'Atalante (c) D.R.
Aucun autre que lui n’aura révélé autant d’amour contenu dans un INSTANT ! Car ce qui fait la force de Jean Vigo, c’est cette inégalable puissance lyrique qui s’échappe de l’INSTANT : du Plan, si il y avait à filer la métaphore. L’INSTANT ? C’est le Père Jules qui " fait " de la musique avec son doigt, et qui pour une poignée de secondes seulement mais… d’intenses secondes, traverse un rêve ; c’est Jean, le marinier, désespéré, qui cherche sa " Juliette " dans les fonds marins ; c’est cette brume épaisse qui se plaît à séparer les deux amoureux aveugles… temporairement. Cet INSTANT, Jean Vigo l’avait définitivement dompté lors du documentaire commandé par Germaine Dulac et consacré au Champion du monde de natation Jean Taris. Claude Aveline, ami fidèle de Jean Vigo et écrivain émérite, écrit à propos de TARIS ou La Natation (1931) : " (…) dans les limites que le sujet lui imposait, il (Jean VIGO) a réussi, je le répète, l’œuvre-type, où l’on ne sait pas ce qu’il faut le plus admirer, de la précision ou de la poésie. " C’est cette force, cet " INSTANT " qui condamna Jean Vigo ; qui lui fit rencontrer le mépris des " têtes pensantes ", des producteurs ambitieux, soucieux d’une bonne rentabilité commerciale à " l’américaine ", prêts à sacrifier un homme pour de l’argent… Affreux et impardonnable stratagème ! Plus tard, les amis de Jean Vigo, désireux de sortir l’œuvre d’une condamnation injuste, se frotteront à l’hypocrisie d’un gouvernement de Front Populaire, qui négligea consciemment l’œuvre emprisonnée d’un homme décédé depuis de longs mois. Ignoble sagesse du " politiquement correct " !

En 1940, après les " coups de ciseaux " des responsables de Gaumont, L’Atalante, ce film qui " pue des pieds ", commença sa véritable carrière dans son montage original et reçu, par l’ensemble de la critique, un excellent accueil. Le succès commercial fut malheureusement assez relatif, sans doute dû à la diffusion du film dans une seule salle et à l’absence d’une publicité convenable. Vigo n’était plus ici ! Le film présenté cette année-là se voulait proche de la version du cinéaste regretté… enfin à peu près. On n’atteint jamais la " réalité " d’un HOMME si on n’est pas cet HOMME… complètement ! On retira la chanson de Lys Gauty " Le Chaland qui passe " et on retrouva toute l’ingéniosité des compositions musicales de Maurice Jaubert, qui au même moment, est mortellement touché par une balle… allemande… à 40 ans ! " Deux morts valent mieux qu’une ! " pourrait s’élever une voix hautaine et… puritaine à souhait ! Vigo… Jaubert. Jaubert… Vigo. Une association parfaite… une complémentarité judicieuse. Ce qu’a fait Maurice Jaubert dans Zéro de conduite et L’Atalante vient tout droit du merveilleux. Il a fait de la Musique de film un art à part. Il y a le Film et La Musique du/de film. Deux créations bien distinctes, qui se rejoignent pour donner naissance à une œuvre commune. Jaubert est le premier théoricien de la Musique de film. Truffaut s’en est mordu les doigts, par admiration, de cette union entre Vigo et Jaubert. Pour Vigo, il fit les 400 coups, chargé de références et de scènes entières empruntées à L’Atalante, comme cette errance de Jean, le jeune marinier creusé par la perte de l’Amour, sur une plage déserte du Havre… qui rappelle tout de suite la dernière scène du film de Truffaut. Pour Jaubert, il donna à L’Histoire d’Adèle H., comme de nombreux autres de ses films, Sa Musique.

  Zéro de conduite (c) D.R.
En 1957, Paulo Emilio Salès Gomès, un éminent historien du cinéma, responsable de la cinémathèque brésilienne, qui a fait de Jean Vigo toute sa vie, sort une biographie exemplaire du plus profond des cinéastes français. Ce livre, l’un des premiers " livre de cinéma ", est un objet rare. Loin du culte excessif qu’a pu vouer la " jeune critique " emballée d’après-guerre à Jean Vigo, Salès Gomès a réussi à (jamais) inscrire définitivement Vigo dans l’histoire du cinéma mondial. A faire souligner son importance. Parce qu’il fallait savoir viser juste. Ne pas faire de Jean Vigo un pitoyable martyr. Le rendre vivant, gai, éternellement joyeux, blagueur comme il savait l’être si souvent : vrai… si vrai. A son sujet, on a parlé de " Rimbaud du cinéma " par son œuvre brève et moderne. On a aussi doucement… plus doucement évoqué Céline. Vigo n’est pas Rimbaud. Rimbaud a dit non au Romantisme. Vigo, pas romanesque pour un sou, ne surmonta pas le même obstacle. Il ne traversait pas au moment de son œuvre une violente crise d’adolescence. Non ! Il était encore un enfant. Il croyait en l’Homme… au Naturel… à l’Humanisme. Par cette approche de l’idéalisme incorruptible de Vigo, on pourrait très facilement atteindre Céline : plus précisément, la " prose célinienne. "  C’est à la même époque que ces deux révoltés explosifs font naître leur œuvre. En 1932, Voyage au bout de la nuit déroute autant qu’il séduit. Avec A Propos de Nice, en 1930, Vigo provoque l’Intelligence ! Et l’Intelligence, en 1930, c’est à droite… très à droite, comme je l’ai déjà fait remarquer précédemment. Avec Céline, c’est du " style " qui s’exprime. On n’est très loin de l’ " idée "… du convenu… de l’académisme. On est, au contraire, tout proche du " Fulgurant " !.. Céline s’est fait rafler le Prix Goncourt (ce qui, en réalisant aujourd’hui, n’est pas un mal) par un habitué des " amitiés littéraires ", demeuré, depuis, sans intérêt : Guy Mazeline. Vigo, quant à lui, a payé de sa vie… après avoir été censuré, mutilé, saccagé, dévoré, et " tué " plusieurs fois ! Céline eu le destin qu’on lui connaît : il s’est noyé dans un antisémitisme contestée et contestable. Vigo fut disséqué, trop souvent par des " amateurs " appartenant à divers groupes politiques aux idéologies douteuses, pressés de briller à leur tour ! D’un éclat franchement écœurant ! Malhonnête !