Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 
The Shining (c) D.R. THE SHINING
de Stanley Kubrick
Par Frank CARANETTI


SYNOPSIS : Jack Torrance, gardien d'un hôtel fermé l'hiver, sa femme et son fils Danny s'apprêtent à vivre de longs mois de solitude. Danny, qui possède un don de médium, le "Shining", est effrayé à l'idée d'habiter ce lieu, théâtre marqué par de terribles événements passés...

....................................................................

  Stanley Kubrick (c) D.R.

Il est un vœux de Novalis, dans Le Brouillon Général, que Kubrick reprend merveilleusement à son compte en cette année 1980 : " S’il y a une philosophie de la vie, on peut également réclamer une philologie, une mathématique - une poétique et une histoire de la vie ", phrase sans doute inoffensive sinon pour l’homme qui, plutôt que d’attendre que l’esprit vienne à son art, vient " réclamer " et imposer ses vues. Le malentendu qui entoure The Shining aujourd’hui encore provient de l’espace existant entre l’attente du spectateur, l’approche purement publicitaire du film produit qui voudrait que celui-ci soit un film d’épouvante, ou - pire encore - un film " intelligent " ouvert au divertissement, et l’intention du réalisateur.

Car le cinéaste américain a créé là, avec le premier volet de sa " trilogie Steadycam ", une " poétique de la vie " et pour ainsi dire un " art cinématographique de la vie " comme il n’en existait pas auparavant, un art qui, s’il séduit par le talent qui déploie, sait également qu’il est le dépositaire de valeurs bien supérieures au simple mouvement de l’image. Voilà encore pourquoi The Shining s’amuse sans cesse de ses propres ficelles, de la mise en abîme du créateur empêché au pastiche du film de terreur, jusqu’à nier son discours, jusqu’à établir sa propre critique.

The Shining (c) D.R.

Il faut aujourd’hui s’interroger sur le fait que cette trilogie, par et pour l’image, soit également celle qui aura été la plus mal comprise par les grands médias, qui en sont les principaux consommateurs. Et, effectuant de nouveau le parcours de The Shining présenté comme l’un des plus grands films de genre de l’histoire du cinéma, à Full Metal Jacket (1987), peu ou prou l’un des " grands films de guerre ", et jusqu’à Eyes Wide Shut (1999), objet érotique, on comprend que, du moins, des publicitaires à la critique, les esprits n’ont pas toujours su appréhender l’immédiateté du discours de Kubrick, car il n’y a rien à attendre et tout à " réclamer " de ce triptyque qui dispense le manifeste Kubrick-ien d’un art transcendantal.

Dans The Shining, c’est l’image-même que le film voudrait nous faire oublier, et la place de celui-ci comme pur objet cinématographique et esthétique; si tout est affaire de réminiscences visuelles - d’hallucinations - nous dit Danny, alors nous sommes, spectateurs et personnages mis au même niveau, en sécurité, tandis que l’action convoque folie et rationalité dans une même violence et une même claustrophobie. Car qu’il s’agisse ici de visions mensongères, ou authentiques, que l’énergie maléfique surgisse de la noirceur de l’âme humaine, ou d’un monde de spectres, The Shining montre la substance de l’image, sa matière, hommage faussement morbide à l’art, et à sa réalité.