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  The Shining (c) D.R.

Film par et pour l’image, film piège avant tout, The Shining tente, sans véritable conviction, de persuader le spectateur de son caractère anodin. C’est, à l’image de ce garçon aux pouvoirs fabuleux, Danny, qu’il faudrait laisser croire à l’innocence des représentations, et à leur neutralité, ce que la narration s’échine à démentir tout au long de sa progression. " It’s just like pictures in book (…) It isn’t real " (1) nous dit-on, mais dans The Shining les images poussent à l’homicide, et leur influence sur les deux personnages masculins, Danny et son père Jack Torrance, détermine de quel côté ceux-ci se situent face à la montée insane qui semble graduellement submerger les couloirs et les chambres de l’hôtel commodément baptisé " Overlook " (2).

Comme dans tous les films qui sortiront du passage de Kubrick à la couleur, l’œuvre est une étude chromatique précise, où s’affrontent ces tons pâles, fades, si caractéristiques du cinéaste américain. Quel que soit le " héros ", ou " caractère " Kubrick-ien en présence, Alex de Large dans A Clockwork Orange, ici Jack Torrance, celui-ci progresse dans ces décors et ces atmosphères marqués par la présence écrasante du réalisateur-photographe, par ses choix de nuances et de carnations, ses mouvements de caméra inédits; et si cette présence, ce climat inimitable qui domine toutes les compositions de Kubrick, se concentre ici dans ce vrai / faux film de genre tiré d’un roman médiocre, c’est pour en faire, sous des dehors innocents, l’une des grandes œuvres cinématographiques, avec The Bad and the Beautiful de Minnelli, ou le Walden de Mekas qui, non content de traiter brillamment du créateur mis en abîme, sache donner envie de devenir soi-même artiste, metteur en scène, d’exposer de manière limpide, transcendantale, sa manière de concevoir le monde et de lui imprimer son mouvement et ses couleurs.

The Shining (c) D.R.

The Shining, l’un des projets les plus techniquement élaborés, et sophistiqués de Kubrick avec, on le sait, l’un des premiers emplois mémorables de la Steadycam par Garrett Brown, quelques années après l’ascension du palais de justice de Philadelphie par S. Stallone dans Rocky (John G. Avildsen, 1976), déborde d’un amour sans bornes pour la photographie de Diane Arbus, pour ses personnages décalés, pour le cinéma, pour sa science, sa beauté simple, et, à l’instar de cet hôtel parfaitement symétrique qui abrite le chaos de l’esprit de l’artiste dément, à l’instar de ce labyrinthe hors de proportion, The Shining est admirable, et effrayant, pour toute cette extrême passion qui ne peut s’empêcher de le déborder, et de le dépasser.




1)
"C’est comme des images dans un livre. Ce n’est pas vrai".
2) En anglais, le verbe " to overlook " signifie aussi bien " donner sur " -comme le surplomb d’une falaise peut donner sur une vue en contrebas- que " ne pas voir ", " négliger ", " ignorer ".