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Jean-Claude Brisseau (c) Stéphane Legrand
Objectif Cinéma : Qui a peur ?

Jean-Claude Brisseau : Je ne sais pas. J'ai raté quelque chose. Tout le monde me l'a dit ,et ça je ne m'en rendais pas compte, que j'avais eu une chance extraordinaire, une ascension fulgurante dans les années 89/90, que je pouvais tout me permettre dans le cinéma. Or j'ai déçu les attentes de tout le monde en faisant un "petit film" Céline, déconcertant certains qui pensaient que j'allais dans une certaine voix balisée du cinéma. Honnêtement, j'aurai aimé faire des "gros" films importants de tant en tant, et encore ça dépend desquels, mais surtout continuer l'expérimental, faire des tous petits films, explorer une voix du cinéma, comme avec Céline. A la même époque, j'avais aussi un projet de film La chose Secrète, une version féminine De bruit et de fureur. J'avais obtenu le fond de soutien et je voulais le payer moi-même. Je produis toujours mes films et pour l'anecdote, quinze jours avant le début du tournage de L'Ange Noir, Alain Sarde le producteur m'annonce qu'il n'a plus assez d'argent pour mon film. En fait, il préférait que ce soit moi qui mette l'argent, c'est tout. Tout comme Les Savates du Bon Dieu où les producteurs n'ont quasiment pas mis un centime. Je dois dire que ça m'emmerdait assez, car j'aurais bien aimé cet argent-là et financer seul La Chose secrète.


Objectif Cinéma : Qu'en est-il maintenant du film ?

Jean-Claude Brisseau : Le film doit pouvoir se monter actuellement et ce sera filmer l'érotisme.


LA MATIERE MEME DU FILM

Objectif Cinéma : Il me semble que cet érotique est le fil rouge de votre filmographie tout comme la richesse des genres, qui très souvent, se mélangent au sein même d'un film, en cela qu'il peut convoquer différents mondes hétérogènes. Votre dernier film Les Savates du Bon Dieu ne cesse de bifurquer ; le burlesque côtoie le film noir lui-même sédimenté par la morale politique, et bien sur l'histoire d'amour quasi libertaire des amants en fuite. J'ai pensé au film de Fritz Lang You only live once avec Henry Fonda et Sylvia Sidney.

Jean-Claude Brisseau : Ce sont les problèmes de construction d'un film qui me passionnent le plus. Premièrement, j'essaye de rompre les schémas attendus, de faire des films autrement sans que le grand public s'en aperçoive. Deuxièmement, je travaille la matière même du film, de manière quasi invisible pour les spectateurs, à la limite de la philosophie. Et dernièrement, mélanger des éléments soit surréalistes ou fantastiques avec presque systématiquement des éléments érotiques et je m'aperçois que très souvent, la plupart des gens ne remarquent pas les thèmes fondamentaux de mes films. Ça me laisse assez perplexe. Par exemple, presque tout le monde voit De Bruit et de Fureur comme un film social réaliste, ce que je refuse absolument.


  Céline (c) D.R.

Objectif Cinéma : J'ai vu votre film à l'adolescence et j'avais été frappée par sa veine sensible et je n'avais pas tout compris. Le revoyant dernièrement, j'ai été saisie par sa dimension d'abstraction assez étonnante dans le cinéma français. Votre film est beaucoup plus désincarné que les autres, il est mental. Il propose un sous monde, une sous lecture, en deçà de ce que le scénario semble montrer, comme si vous vouliez faire ressentir au spectateur quelque chose de secret, d'invisible, et non pas simplement une image sociale de la misère ou de la violence en banlieue. L'enfant du film pourrait le frère de Céline, à la fois là et déjà ailleurs.

Jean-Claude Brisseau : Ce n'est pas un film sur la banlieue, cela n'a rien avoir avec La Haine ! Un des sujets de la plupart de mes films est le contact avec la réalité. C'est ce qui me plaisait bien chez Jean-Luc Godard, car la réalité n'est jamais là. Il y a un jeu entre les deux.