Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
Jean-Claude Brisseau (c) Stéphane Legrand
Objectif Cinéma : En voyant vos films, je pense à John Ford, lorsque vous inscrivez vos personnages dans un mouvement de mélancolie lors d'un voyage. Il y a aussi la famille, lieux de tous les affects que Ford et vous-mêmes avez su transmettre au cinéma.

Jean-Claude Brisseau : John Ford, je l'aimais bien quand j'avais dix ou douze ans alors que je ne savais même pas qu'il s'appelait John Ford ! Il y a un sentiment tragique de la vie que j'aime beaucoup chez lui, venant probablement de la nostalgie d'un monde définitivement perdu et d'un amour perdu aussi. Il y a souvent dans ces films, un héros amoureux d'une femme depuis plus de vingt ans et qu'elle ait vieillie ou non ne change rien. Cet amour est fidèle. La solitude et le déracinement sont aussi au cœur de Ford, qui tente de retrouver le pays ou la mère originelle dans le désert, symbole de la souffrance qu'elle soit amoureuse ou philosophique.


Objectif Cinéma : Je retrouve dans vos films ce sentiment de mélancolie et de perte qu'incarnent vos personnages au milieu d'un paysage. Le paysage est à l'unisson des états d'âmes et il devient charnel et métaphysique. Je pense notamment à Céline mais aussi à Les Savates du bon Dieu.

Jean-Claude Brisseau : John Ford utilise ces paysages de façon quasi mystique. A la limite du mystique et de la poésie et cela m'a guidé durant toute ma vie.


  Noce blanche (c) D.R.

Objectif Cinéma : La représentation du désir féminin est aussi un enjeu dans tous vos films, avec parfois des effets de miroirs d'un film à l'autre. Notamment dans L'Ange Noir où Paul fait un rêve érotique. Il y a un travelling avant sur le corps de la femme et c'est exactement la même position dans Céline avec le mouvement de la main de l'homme, toujours dans un fantasme aussi dans De Bruit et de Fureur Et chaque femme a sa couleur : blanc et bleu pour la fée / sorcière De Bruit et de Fureur, l'or pour Céline, le rouge pour Sylvie Vartan l'ange noir.

Jean-Claude Brisseau : Je dois dire que c'est fait exprès dans la mesure où j'aime travailler sur des motifs. Pour mon premier film, Un jeu brutal, je voulais que la couleur soit celle de l'herbe jaunie par le soleil en septembre. Il s'agissait de dire qu'après toutes les brûlures de la passion qui sont en partie terminées, il ne reste plus que cette herbe brûlé et jaune. J'ai obtenu un film bleu, ce qui ne m'a pas beaucoup plu. N'exagérons pas, car il y cette couleur dans une séquence mais bon, je n'ai pas réussi totalement mon projet de couleur. Pour aller dans ce sens du féminin que vous remarquez, je me souviens que l'on m'avait demandé pour Noce Blanche avec la jeune Vanessa Paradis, si je n'avais pas pu écrire l'inverse, à savoir filmer l'histoire d'une femme de quarante ans environ, tombant amoureuse d'un jeune homme. Or je voulais que l'homme (Bruno Cremer) , qui a peur de cette toute jeune fille, lorsqu'il regarde soit saisi par cette vision, qu'il la reçoive comme un cadeau de Noël. Je travaille toujours ces scènes très minutieusement, car je dois moi aussi recevoir cette jeune femme comme un cadeau, raison pour laquelle je contrôle la lumière pour observer et étudier son corps, ses mouvements afin de savoir comment je vais la filmer et cela je ne peux pas le faire pour un homme ! (rires)


Objectif Cinéma : Il me semble que vous recherchez dans tous vos films à représenter ce féminin et j'aimerai savoir si vous avez envie de réaliser un film entièrement pris dans ce désir de représentation, d'aller au delà du miroir, je pense notamment à cette scène surréaliste dans Céline où Tchéky Karyo a une vision érotique dans le bureau de l'avocat.

Jean-Claude Brisseau : C'est ce que je veux faire depuis cinq ans et à chaque fois je ne peux pas. Le projet est toujours refusé ou du moins reporté, car tout le monde a la trouille.