Objectif Cinéma
: Et le travail avec la musique était-il
spécifique à Caroline Ducey ?
Alain Raoust : Oui. Pour
La vie sauve, on n’avait pas du tout travaillé
comme ça. Ce fut un long travail de répétition.
Là, pour La cage, c’était la première
fois que je faisais ce travail avec une comédienne. Elle
était déjà le personnage. Dès les
premières répétitions avec le patron ou
avec sa mère, elle avait compris le film. Il restait
juste à chercher le petit plus qui allait créer
autre chose, qui allait faire en sorte que le personnage ait
plus d’émotion, de tension. C’est venu comme ça,
autour de la musique, parce que Caroline chante dans un groupe
et que je m’étais aperçu, au fil de nos discussions
qu’elle aimait démesurément la musique. Elle aimait
plutôt la musique funky, alors que je suis plus d’une
génération qui écoutait du punk, du hardcore
ou du free jazz. Ce sont deux univers musicaux qui se sont confrontés.
Objectif
Cinéma : J’ai remarqué
que lors de la séquence des parents, chaque personnage
a un objet dans les mains, notamment du fil (à linge,
de pêche ou des lacets). Est-ce que c’est un " truc "
pour les aider à jouer leur scène et qu’ils
soient plus à l’aise ?
Alain Raoust : Pour la séquence
du fil à linge, il m’intéressait d’avoir deux
femmes en extension, les bras levés. La séquence
d’accrochage de linge a souvent été vue et revue
dans les films, et je me suis dit qu’il serait peut-être
mieux de les montrer en train d’attacher le fil à linge
plutôt que le linge lui-même. Quant au beau-père,
effectivement, il a un fil de pêche entre les mains…C’est
parce que l’acteur avait du mal à parler sans les mains
que j’ai dû lui donner ça.
Objectif Cinéma : Il
y a quelques plans symboliques dans le film. Je me demande
si le plan de la cage aux oiseaux n’est pas trop explicite ?
Alain Raoust : On peut le voir
comme ça, mais il y a un tout petit détail qui
fait qu’il n’est pas en trop : la cage est ouverte, mais
les oiseaux n’en sortent pas… On m’a demandé que ce
soit un peu plus appuyé, mais je n’ai pas voulu que
ce soit plus visible que ça.
Objectif Cinéma : Combien
y a t-il eu de prises pour ce plan séquence du fil
à linge ?
Alain Raoust : Très
peu. Trois prises. De toute façon, c’est un film qui
s’est fait avec une économie très réduite.
On n’a jamais dépassé les six prises. Les séquences
de dialogues se sont déroulées très facilement,
les acteurs ayant très vite saisi la dimension du film.
Objectif
Cinéma : Le film a
t-il beaucoup évolué au montage ?
Alain Raoust : La séquence
du vieil homme a beaucoup changé au montage. Le reste
est assez proche de ce qui était écrit dans
le scénario.
Objectif Cinéma :
Le travail sur la bande son est
tout à fait passionnant…
Alain Raoust : J’y suis tout
à fait attaché. J’ai toujours pensé
que l’inconscient du film, c’était le son, entre
autres. On passe toujours un temps très long avec
Sophie Deseuzes la monteuse, et Jean-Marc Schick, monteur
son et mixeur, à travailler la bande-son. Dans la
séquence où elle s’éloigne dans une
friche, il existe cinq ou six sons très différents
les uns des autres : des sons d’une fabrique d’acier,
un bruit de métro, un brûleur de chaudière…
Tout cela mêlé donne le son de cette séquence.
Pour tous les intérieurs, lors de la confrontation,
on entend un son de téléphérique qui
ressemble à un son de frigo, une fréquence
très basse. On s’amusait à enlever ce son
de téléphérique et on s’apercevait
alors que la séquence n’était plus du tout
la même. Pendant dix minutes on entend cette fréquence
basse qui joue vraiment dans la réception de la séquence
aux niveaux des sens.