Objectif
Cinéma : Vous tournez
en son direct ?
Alain Raoust : Oui. Ensuite
s’effectue le montage son. On joue beaucoup sur les ambiances,
surtout pour les séquences de creux, celle par exemple
où elle s’éloigne dans la friche, toutes ces
séquences sans dialogues nécessitent un vrai
travail sonore.
Objectif Cinéma :
Et la présence sonore de
l’eau ?
Alain Raoust : C’est arrivé
au montage. On s’est dit que c’était un film aquatique
(rires) avec des fontaines, le bruit presque permanent d’un
écoulement d’eau… Je ne sais pas d’où ça
vient. C’est arrivé comme ça. Tout comme la
truite. Je ne pensais pas qu’elle serait aussi présente !
On me demande après si tout cela a un sens caché,
s’il y a une symbolique. Mais en l’occurrence c’était
juste pour me faire plaisir, parce que j’adore pêcher
la truite et que j’aime bien ce poisson ! Ce qui est
drôle, c’est qu’on ne voit pas forcément la
symbolique là où elle se trouve réellement...
Objectif
Cinéma : Les cadrages
du film évoluent aussi : on passe d’un univers
oppressant, avec des plans serrés, aux grands espaces
filmés en plan large…
Alain Raoust : Comme avec
la courbe ascensionnelle que j’évoquais au début,
ou la volonté de placer à la toute fin la
scène de la confrontation, c’était un choix
de départ. Tous ces éléments vont dans
le sens de la libération du personnage. Le cadre
devait s’ouvrir de plus en plus. Tout cela partait du sentiment
que tout devait être d’abord serré, urbain,
bas en altitude, très peu explicatif au début,
et trouver une largeur, une altitude, une amplitude, une
résolution, une explication au fur et à mesure
que le film avançait et se terminait. Le début
du film est résolument un peu opaque, hermétique,
tant au niveau de la narration que du cadre ou de la lumière.
On suit la progression de ce personnage obsessionnel…
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Objectif
Cinéma : Le travail
avec Roger Souza était forcément plus différent,
plus court…
Alain Raoust : Roger est
quelqu’un de très économe. S’il faut regarder
quelqu’un pendant huit minutes sans bouger, il le fait en
nourrissant le texte de la séquence. Ce n’est pas
une statue qui parle. Il sait se contrôler et n’importe
lequel de ses gestes, même les plus infimes, prennent
alors une importance forte et capitale. Il propose beaucoup
de choses, pose beaucoup de questions sur le personnage.
Il cherche le petit détail qui va l’aider. Il m’a
demandé par exemple si son personnage était
marié. Je lui ai répondu qu’il l’avait été.
Il m’a demandé alors s’il avait gardé son
alliance. Je lui ai demandé alors ce qu’il en pensait.
Lui souhaitait la garder. Il construit son personnage de
manière assez classique. Je ne suis pas du tout habitué
à travailler comme ça. Son travail est presque
celui d’un scénariste. Il m’a demandé aussi
pourquoi on ne voyait pas la femme de son personnage dans
le film, etc.
Il est un peu le détective privé qui réalise
une investigation… Caroline pose vaguement des questions
mais n’en a pas réellement besoin. Elle est davantage
dans l’énergie.
Objectif
Cinéma : Comment
est né le premier plan du film, si intrigant ?
Alain Raoust : Il était
construit comme ça dans le scénario :
un homme sur une terrasse cherchant son ombre…Mais Roger
n’était pas dans cette tenue-là. C’est une
séquence qu’on a tourné pratiquement à
la fin du film. Je me suis dit que l’histoire que je voulais
raconter parlait de gens qui étaient " à
poil ". Comme son personnage est nu face à
la vie et à la disparition de son fils, je me suis
dit que Roger Souza devait être littéralement
nu dans cette séquence.