SYNOPSIS:
Ils sont deux à fuguer sans arrêt, un garçon
et une fille, frère et sœur, âgés d'une
douzaine d'années: Joseph et Chloé. Deux enfants
perdus, abandonnés à la naissance. Chloé
ne parle pas, hors du monde, et ne supporte pas qu'on la touche.
Elle dessine toujours la même maison. Elle marche aussi,
droit devant elle, un drôle de sourire sur le visage,
comme si ses pas la conduisaient vers un endroit précis.
Joseph, lui, organise les fugues, puis la suit, la protège,
persuadé qu'elle veut retrouver la maison de leurs parents.
Qu'elle en a le pouvoir. Et qu'une fois là-bas, son but
atteint, elle guérira. C'est son rêve, à
Joseph : avoir une maison à lui, une famille, une sœur
avec qui il puisse communiquer et jouer... Une sœur qui lui
rende un peu de l'amour insensé qu'il a pour elle.
2002 : cela fait quinze
ans que le film de Jean Claude Brisseau De bruit et de
Fureur est sorti. Il aura fallu tout ce temps pour que
l’adolescent borderline (incandescent François Negret)
devienne un flic bêtement abattu comme ça, dans
le dernier film de Christophe Ruggia. Il a trente ans environ.
Il est devenu flic parce qu’il y a toujours de l’embauche.
Il faut bien vivre au temps du R.M.I. C’est le premier horizon
social pour un gars des cités même pas chaudes.
Et se faire tuer ainsi, mécaniquement par un gamin
terrorisé de son ombre.
Voilà, on est passé
de Mitterrand version Rocard à Chirac et sa marionnette
Raffarin où l’on assiste désemparé à
la fascisation de toute la société française.
Les Diables semblent venir nous hurler en pleine figure
toute l’horreur à venir que les dernières lois
en matière de sécurité et de justice
de ce gouvernement de droite met en place. Chronique d’une
mort préparée. A mort l’adolescent ! Son état
fait peur, mal, inquiète, il pulvérise le corps
politique, social. C’est un déséquilibré,
un fou, un sauvageon, un voyou, une caillera, un malade, un
immigré, un banlieusard, un trafiquant. Ce n’est plus
un être désespéré qui a un besoin
d’amour vertigineux (la scène de la cellule avec le
pédopsychiatre joué tout en finesse par Jacques
Bonaffé), ce n’est plus l’enfant de, ce n’est même
plus une voix. Cela n’est plus qu’une souffrance en cavale.
Joseph et Chloé (Hansel et Gretel
du cinéma) charrient toute la misère des enfants
abandonnés qui ne cessent de repousser le monde d’en
face, obstinés dans leur quête éperdue
de LA maison. Alors oui, le film emprunte tous les chemins
du cinéma de la transmission, celui des films qui nous
ont aidé à supporter notre jeunesse si mal-aimée.
Les étoiles luisantes
ne sont plus celles de la Nuit du Chasseur ni même
cette faconde de Joseph (impressionnant Vincent Rottiers)
celle du jeune Antoine Doinel échappé de ses
400 coups. De ces bouts de cinéma, réminiscence
mélancoliques, morceaux de tissus dont l’homme fait
son étoffe, les deux enfants ne savent que faire. Largués,
le frère et la sœur tournent en rond littéralement.
Dans la ville (Marseille morcelée, émietté)
mais dans leurs têtes aussi. Autisme pour elle, mutisme
pour lui. Ne reste que les mouvements de corps que le cinéaste
ne cesse de rechercher. Le sien peut-être.