Le cinéaste semble appliquer non une trajectoire (celle-ci est constamment bloquée car à vide, les enfants ne cessent de refaire le même trajet : évasion, nature, ville, police, institut, évasion etc) mais un programme aux corps de ses deux comédiens où, seul me semble-t-il, le jeune Vincent Rottiers tire son épingle du jeu. Celui de l’incarnation d’une identité toute en relief même si parfois la limite est dépassée (scène d’enferment malvenue). Le jeune garçon que l’on voit grandir sous nos yeux (effet de réel du cinéma à suivre quasi en direct les changements physiques d’un adolescent) est le film. Ou du moins sa nécessité vitale. Le récit ne cesse qu’à sa mort où pour la première fois son corps repose. De ces ombres chinoises inaugurant le film (de la nuit du cinéma) à cette luminosité finale (la toile blanche de l’écran ?) où le frère peut mourir en regardant sa sœur se balancer en riant, le spectateur a pu vivre le programme du cinéaste sous le motif premier de l’émotion brute. Celle qui emporte et transporte. Mais de cette charge émotive (deux enfants abandonnés cherchant leur foyer à travers le pays) si le cinéaste en abuse parfois (usage d’une bande sonore parfois redondante dans le lamento, cadrages intempestifs) il sait aussi permettre au spectateur de souffler ( notamment les scènes de l’Institution de Lyon avec la trop rare Dominique Reymond et J.Bonaffé).