SYNOPSIS:
Août 46, dans un atelier de
confection pour dames, à Paris, dans le quartier des
tailleurs juifs. Autour de quelques machines à coudre,
trois tables et des rouleaux d’étoffe, entre un café,
un square, une chambre d’hôtel ou un appartement soudain
trop grand, quatre femmes, cinq hommes et quelques enfants essaient
de réapprendre à vivre. Fragilisés à
l’extrême mais déterminés à être
là, résistants, ils font le pari de la vie, avec
de la fantaisie, de la légèreté. Ce sont
des gens ordinaires, ce sont des gens admirables. " Un
monde presque paisible " parle d’espérance.
Le dernier film
de Michel Deville pèche étonnamment par excès
de pudeur, nous privant d’émotions fortes malgré
pourtant, la force même de son sujet : la vie après-guerre,
après la déportation…
Le dernier film de Michel
Deville : " Un Monde presque paisible ",
adaptation du livre autobiographique de Robert Bober (" Quoi
de neuf sur la guerre ? ", POL, 1993),est inattendu, d’abord par son sujet - la vie dans l’immédiat
après guerre, en 1946, plus précisément
dans un atelier de couture juif – ensuite par sa forme - un
quasi huis-clos tournant autour de quelques personnages principaux
- où les intérieurs, tant matériels que
psychologiques, dominent, entrecoupés d’instantanés,
de photos arrêtés figeant le temps...
Le titre du film traduit bien l’atmosphère et le ton
voulus par le réalisateur, naviguant entre passé
douloureux (la déportation), présent difficile
(parvenir à survivre, faire un deuil impossible) et
futur à construire (espérer, refaire ou seulement
poursuivre sa vie malgré tout).
Chacun des personnages proposé, incarne une forme de
vie, de temps, qu’il ait choisi d’évoluer ou non, de
rester dans la douleur ou d’espérer. Le plus émouvant
d’entre eux, celui qu’on perçoit le mieux, qu’on ressent
le plus est, paradoxalement, le plus secret, le plus silencieux
de tous : Charles, incarné par le très
juste Denis Podalydès. Il est l’incarnation même
de l’enfermement dans le passé. Toute son attitude
physique, ses vêtements, classiques pour ne pas dire
vieillots, ses yeux mélancoliques derrière des
lunettes tristes et grises, son application au travail, marquent
son refus total d’ouverture. Revenu des camps, ayant perdu
femme et enfants en déportation, Charles vit dans le
souvenir. Il refuse tout nouvel espoir pouvant se présenter
à lui.
Ainsi, une séquence bouleversante
le place face à Léa (Zabou Breitman), la femme
du patron de l’atelier, qui ose lui avouer avec courage tout
son amour mais lui, préfèrera se fermer, refuser
encore et toujours, sans doute même pour toujours, une
seconde vie possible… l’une des scènes les plus belles
du film où l’émotion parvient à percer…
C’est cela " Un monde presque paisible ",
un entre-deux incertain, une période de transition,
fragile, complexe, mélancolique, où il faut
tenter de retrouver sa place, une raison d’exister. Tout est
dans le " presque ", le basculement d’un
Monde à l’autre.
Dans une séquence emplie d’humour et d’intensité
M. Albert (Simon Abkarian), le patron de l’atelier, incarne
une manière forte et personnelle de vivre ce passage.
Il crie à son voisin antisémite de l’étage
inférieur qui proteste contre le bruit, qu’il est juif
et qu’il peut le crier à présent sur les toits,
en toute liberté. Joseph aussi (Malik Zidi) revendique
ce droit d’exister à nouveau en plein jour, lors notamment
d’une séquence remarquable au poste de Police, face
au commissaire ex-collabo lui refusant la naturalisation.
Il sera écrivain, affirme Joseph avec vigueur au commissaire
impuissant qui l’a déporté. Il écrira,
racontera son histoire.