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Au loin les lumières (c) D.R.

Ces inventions fictives nuisent à Elephant. L'impression que le réalisateur a voulu esthétiser l'horreur dérange quelque peu. Les deux tueurs ont l'air d'être de deux gentils garçons qui ont été poussés au meurtre en partie par les brimades qu'ils subissaient de la part de leurs camarades, en partie par un entourage familial des plus déconstructifs, en partie par la facilité de se procurer une arme aux Etats-Unis, en partie à cause des jeux vidéos violents, en partie à cause d'Hitler... Comme l'ont salué les défenseurs d'Elephant, Gus van Sant ne donne pas de réponse toute faite. Certes. Mais il en suggère une demi-douzaine. Ce qui donne la sensation étrange que le cinéaste exonère de toute responsabilité ces petits monstres sans doute créés par la société. L'angélisme du propos est remarquable, l'exemple type du plaquage de fantasmes intellectuels sur des évènements qui ne sont que triviaux. Dans la réalité crue, au lieu de s'embrasser sous la douche, les deux adolescents ont peut-être fait un concours de pets ou de rots. Plus vraisemblable, mais moins esthétique ou artistique, d'où la séquence de bisous et le morceau de piano.

Hans-Christian Schmid est moins léger. Il développe un univers qui n'en a rien à faire du vraisemblable, puisqu'il assume le statut de fiction, et ne se base pas, lui, sur des ressemblances pas du tout fortuites avec des personnes existant ou ayant existé. Pourtant, son récit projette une crédibilité qui fait impression. Le documentaire n'est pas loin, la chronique sociale non plus. On sent pour chaque personnage soit un gros travail de recherche, soit une grande connaissance de la psychologie humaine. Dans ce sens, la direction d'acteurs est parfaite arrivant à éviter tout sur-jeu. Les comédiens y sont aussi pour beaucoup, composant un casting très riche - une dizaine de rôles importants -, très homogène - aucun acteur ne se détache dans le bon comme dans le mauvais sens de l'expression -, et d'une grande qualité.

  Elephant (c) D.R.

Ce qui dans Lichter relègue définitivement Elephant au rayon des films sympathiques mais sans plus se situe dans le fond du propos du film de Hans-Christian Schmid. Difficile de faire mieux dans l'analyse d'un problème qui émoustillent depuis des années les débatteurs professionnels de nos contrées européennes. Quel problème ? L'immigration bien sûr. Hans-Christian Schmid suit les contours de la notion de frontière. D'un côté du fleuve, les gens riches, qui ont la chance d'avoir la nationalité allemande. De l'autre, les indigents qui ont la malchance de n'avoir qu'une carte identité polonaise. L'humanité d'en bas en somme. Et encore ce n'est rien encore par rapport aux sans-papiers, aux apatrides, ukrainiens de naissance dans Lichter, mais qui pourraient aussi bien être maliens, albanais ou afghans.