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Aaltra (c) D.R.

Rien de tel ici. Et si l’on retrouve des lignes de continuité avec l’esprit Groland, comme l’irrévérence foncière, le goût de la subversion, l’exigence de mordre la main qui vous nourrit, le cadre social et géographique situé sur cette limite où se confondent ruralité et banlieue pavillonnaire, l’éloge immodéré de la paresse et des boissons alcoolisées, la palette de personnages : gagne-petit, bons à rien, traînes savate, braves gens et pauvres types, ratés et désaxés en tout genre, marginaux et cas d’école (avec l’apparition fugace de la silhouette giacomettienne du président Salengro), si les amateurs du programme TV ne seront pas tout à fait en territoire inconnu, l’ambition d’Aaltra va bien au-delà.

L’usage d’un noir et blanc contrasté, l’emploi d’une pellicule 16mm rugueuse, la rigueur des compositions, la sobriété des plans, souvent fixes, lents, patients et cruels, donnent à l’ensemble un caractère austère où le gag surgit, intempestif et imparable. Et sur fond de paysages à la beauté graphique, la présence humaine, dérisoire et imparfaite, semble toujours incongrue, bouffonne, lamentable et touchante. C’est un monde sans pitié qui nous est montré, une humanité pitoyable qui nous y est exposée.

  Aaltra (c) D.R.

Quant à l’humour, il est évidemment noir, noir de jais, ténébreux même. Les deux compères sont mutilés, volés, humiliés, jetés au fossé, quasi noyés, abandonnés vingt fois, et ce pour notre plus grand plaisir. Car les coups qu’ils prennent, ils les rendent. Ils sont malhonnêtes et ingrats, bêtes et méchants, mesquins et par-dessus tout : persistants. Quoi qu’il arrive, ils persévèrent, continuent de rouler, d’abuser leurs bienfaiteurs, de boire, de vouloir, de nuire, d’être en somme. Et c’est par là que le film fait mouche. Il est jubilatoire dans son absence de commisération benoîte, il file et se garde de l’apitoiement qui guète un sujet aussi scabreux.

On finit par se dire que l’humour noir, et notamment l’ironie du sort, est l’humour de la vie même, qui se joue de nous et s’amuse de nos déboires. D’où une certaine gravité, un rire explosif mais teinté d’amertume. Mais quoi qu’il en coûte, c’est drôle, terriblement drôle, pathétique et sinistre, fatal !

C’est que les auteurs se sont nourris aux mamelles de l’humour le meilleur.