Plutôt que de se demander sil y aura de
la neige à Noël, Tim Burton s’est demandé tout bêtement d'où
elle venait. Point de départ du merveilleux Edward aux
mains d’argent, sorti en 1991.
Ecrit par Caroline Thompson d’après une
idée de Tim Burton, Edward aux mains d’argent, réalisé
et produit par Tim Burton en 1990, est sorti à Paris le 10
avril 1991, distribué par la Twentieth Century Fox. Il raconte
l’histoire peu commune d'un jeune garçon dont les mains ont
été remplacées par des lames de métal en forme de ciseaux,
recueilli par une représentante en produits de beauté dans
une petite ville américaine. L’intrusion de ce personnage
dans le microcosme villageois d’américains moyens provoque
une série de réactions aussi différentes que l’amour naissant
d’une jeune fille blonde (Wynona Ryder), la curiosité, le
dédain, l’amitié, la compassion ou la haine la plus féroce
de ses concitoyens.
PREMIERE SEQUENCE DU FILM :
Le prologue, comment l’imaginaire
imprègne la réalité, comment l'image s’empare de la parole.
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De la réalité à l’imaginaire
- Classique ! Cliché littéraire et cinématographique ! Le
glissement progressif de la réalité à l’imaginaire fait figure
de tarte à la crème dés qu’on parle de fantastique ou de merveilleux.
Pas faux. Mais si l’on y regarde de plus prés, on s’aperçoit
que le passage d'un monde à l’autre n’est pas si simple à
réussir, tant le danger de la mièvrerie et de la niaiserie
est sans cesse présent. Le cinéma de Tim Burton est construit
presque entièrement sur la superposition contrastée de ces
deux mondes. Dans Edward aux mains d’argent, comment le cinéaste
arrive-t-il à nous convaincre et à nous émouvoir, par l’histoire
d'un être marginal muni de pinces d’argent ? Autant le dire
tout de suite, c’est un grand mystère, que les quelques pistes
lancées ci-après ne résoudront pas. Il n’est de toute façon
pas question d’apporter de réponses. Burton part d’une réalité
qui est déjà faussée par un certain nombre d’éléments "
connotatifs ", plus proches du conte (de Noël, de fées)
que d’une réalité brute. Le prologue, annonçant le long flash-back
qui constitue le corps même du film, est situé dans la chambre
d’une maison. Une petite fille est allongée dans un grand
lit. Prés d’elle, sa grand-mère la veille. Dehors il neige,
c’est probablement l’hiver. Au froid de l’extérieur répond
le crépitement du feu dans la cheminée. On aperçoit dès la
première image l’ombre menaçante d'un manoir que l’on dit
hanté. Comme dans la plupart des contes pour enfants, l’origine
de leur récit vient d’une question de la petite fille à sa
grand-mère, une question directe, innocente, naïve, la question
typique à laquelle l’adulte lambda ne sait pas répondre :
pourquoi il neige ? D'où vient la neige ? Loin d’être désemparée,
la grand-mère impassible commence à raconter l’histoire presque
hors-sujet de cet être inachevé (son créateur est mort avant
d’avoir pu le terminer) à qui l’on aurait mis des ciseaux
à la place des mains. Ce personnage continuerait d’habiter
le manoir. Le spectateur, conditionné par l’univers connotatif
mis en place par Burton (la neige, le manoir, le chant de
Noël composé par Danny Elfman, le générique abstrait et envoûtant
qui annonce l’histoire d’Edward) est obligé de croire à l’histoire
de cette grand-mère. Par nature, le spectateur adore qu’on
lui raconte une histoire, il vient au cinéma pour cela Pour
qu’on lui raconte une histoire et qu'on lui donne du rêve,
dit-on souvent. Tim Burton a l’audace de prendre ce constat
au premier degré, plaçant délibérément ces éléments-clichés
(jusqu’au feu de cheminée !) pour mieux nous faire accepter
l’histoire délicieusement étrange et déjantée qu’il va nous
raconter.
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