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Objectif Cinéma (c) D.R.

Il existe dans La vie rêvée des anges, une dichotomie entre scénario et mise en scène, une absence de cohérence qui mine le film de l’intérieur et fait se demander quel peut bien être l’objectif de Zonca. La caméra voudrait nous faire croire à la liberté (mouvements de caméra fluctuants) tandis que le scénario a savamment orchestré la condamnation de ses personnages. Chacun ira au bout de son programme (la rebelle ira droit au suicide, la sainte sera « canonisée ») et jamais rien dans le récit ne permettra d’enrayer ce dispositif. Sans que la singularité sauve l’entreprise : l’ange, la rebelle torturée, les gros durs au cœur tendre, le jeune patron veule, autant de figures qu’on peut, sans être accusé de mauvaise fois, qualifier de clichées. Alors certes, ces figures sonnent juste. Et pour cause, si on a un peu exagéré la performance des deux filles, les acteurs ont une justesse de ton qui atteste de la capacité de Zonca à diriger des comédiens. Mais justesse et vérité ne sont pas comme deux faces indissociables d’une même pièce. La justesse (des comédiens) peut exister sans la vérité (de l’entreprise). De même que le cliché.

  Objectif Cinéma (c) D.R.

Tout personnage de cinéma est de toute façon simplificateur. Autrement dit, il contient une part de déjà-vu, de cliché. C’est sur ces grandes figures facilement reconnaissables (la sainte, la putain, la maman, la maîtresse-femme, le salaud, le sauveur, le bourreau, la victime, le macho, l’homo etc.) que repose le phénomène d’identification. Reste à savoir ensuite ce qu’on fait de ces clichés, dans quelle mesure on leur donne de la profondeur, ou plus exactement, comment on les rend singuliers, à la fois identifiables, et pourtant uniques. On peut user d’un artifice, comme Laetitia Masson lorsqu’elle plaque de l’incertain sur des caractères croqués au marqueur, ou bien travailler le personnage de telle sorte qu’il soit muni d’une batterie de subtilités afin de donner l’illusion de sa complexité psychologique. Entre ces deux pôles : une palette extensible au sein de laquelle chacun pioche ce qui lui semble adéquat. Eric Zonca n’adopte ni l’une ni l’autre option, les personnages ne faisant jamais mystères de leurs volontés, fussent-elles compliquées. Cela n’aurait qu’une importance relative s’ils (les personnages) n’étaient victimes d’un scénario qui les condamne à n’être que ce qu’il a décidé. Ce n’est pas tant un problème de faits (le suicide ou la résurrection sont des choix de scénario) que l’absence de possibles, de détours du récit, voire de suspense : rien n’est réellement surprenant parce que les possibilités d’échappatoires sont inexistantes. A titre d’exemple, la rupture prévisible entre les deux filles ou le suicide de l’une d’elles font partie d’un logique programmatique qui ne trouve aucune justification dans un éventuel discours, comme dans les récits programmés de Haneke qui eux, sont des récits de terreur (c’est à dire que le programme est un moteur de la terreur qu’ils engendre). L’a-sexualité de la sainte, l’hyper sexualité de la rebelle, la pourriture des riches et la bonté des pauvres sont, quant à eux, autant de traits qui soulignent et renforcent chacun dans le rôle qu’on lui assigne. Tandis que le vivant est imprévisible, Zonca y plaque du mécanique. Une mécanique de scénario, bien rodée, huilée, écrite, inattaquable comme structure (le film est bien construit, du moins sent-on la nécessité de chaque scène dans la logique du récit) mais ennuyeuse dans sa quête de maîtrise, chose que la mise en scène néo-cassavétienne voudrait contredire et qui, du coup, se trouve en porte-à-faux avec le scénario. Un rapport identique à celui qu’entretiennent les comédiens à l’aspect très écrit de leur personnage.