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Et voilà que surgit Tony, le visage en très gros plan et une conversation prévisible à souhait. Il passe un contrat avec Léon, mais n’a pas vraiment l’air méchant pour autant. Peut-être à cause de cette tendresse dans son regard.

Puis, la caméra ayant bien voulu reculer suffisamment, le visage de Léon apparaît. Toute la scène se déroule sans musique, et l’atmosphère est rendue par le cadrage et le dialogue. Ces deux éléments entrent a priori en contradiction car il semble, et on aura en fait confirmation par la suite, qu’il y ait plus qu’un contrat entre les deux hommes.

Objectif Cinéma (c) D.R.

Après les visages de Tony et Léon, Luc Besson choisit de filmer, en guise d’ouverture, les pieds de Mathilda et de Stansfield.

L’autre point commun, c’est la musique. Pour Mathilda, elle est douce, limite berçante. Elle reflète tout simplement ce petit bout de femme, calme et délicieux, arrivé là par surprise. Son entrée tranche en effet radicalement avec les scènes précédentes, dans lesquelles Léon fait de la charcuterie fine. La musique établit le lien entre les deux séquences, mais en passant d’une extrême à l’autre. La caméra contraste aussi, mais pour sa part dans l’unité de présentation des personnages. Maintenant, elle découvre peu à peu Mathilda, en remontant lentement jusqu’à son visage, comme guidée par la mélodie.

  Objectif Cinéma (c) D.R.

Mais déjà, voilà que Stansfield se présente. L’apparition de cet être méchamment cinglé est mise en scène d’une façon absolument impitoyable. Rien à voir avec Mathilda, Besson joue sur les contrastes. Ici, les présentations se font par personnes interposées, juste histoire de donner plus d’ampleur au personnage. Stansfield est de dos, absorbé dans sa musique. Son collègue essaie de faire parler le père de Mathilda, pour éviter que Stansfield n’ait lui-même à s’en charger. Il a visiblement peur de sa réaction, et son attitude laisse planer ce qu’il faut d’attente et d’imagination pour qu’apparaisse dans toute sa splendeur cette «espèce de divinité de la violence délirante».

Retour sur Léon. Visiblement, ce n’est plus le même homme : il est sensible, délicat, méticuleux. En réalité, Besson l’a indirectement présenté sous cet angle, presque par l’intermédiaire de ses lunettes noires : il les porte quand il travaille, comme si son personnage ne se dévoilait pas entièrement. Léon a beau n’être efficace qu’à faire les sales boulots, il possède une certaine délicatesse dans ses gestes (avec le téléphone par exemple). En fait, on ne le voit à l’écran que pour cela. Quand il «nettoie», l’image présente en priorité le résultat. Il y a comme un reflet, un écho dans les deux présentations du personnage. La touche de délicatesse dans son travail renvoie au poids qu’il porte dans sa vie végétative, et vice-versa. Léon est un légume, seul, triste, prisonnier. Et en vérité très attachant, à partir du moment où le côté «gros flingue»est excusé, compris comme sa vie, son sacrifice.

La musique contraste évidemment entre les deux séquences, parce qu’elle s’accorde parfaitement avec chacune. Elle est tantôt violente, tantôt triste et grave. Ce qui renforce les sentiments dans les deux cas.