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Les échanges entre les êtres d’une même famille ont une violence souterraine qu'Achard renonce à montrer directement. Ils en tirent une plus grande force Le cinéaste ne dit pas tout, laisse une grande part à l'imagination du spectateur : à nous de compléter les interstices figurant entre les plans. La fille se dispute avec sa mère : les cris sont couverts par le bruit des travaux d’un maçon. La scène est violente, car invisible. Paradoxe que n’aurait pas dénié Tourneur. La mère est-elle sensible au charme du maçon venu travailler chez elle ? Rien n’est explicite dans la narration. Pourtant cette hypothèse n’est pas vaine, la mise en scène captant précisément le moindre geste, le regard le plus furtif. Par sa nervosité, ses excuses maladroites, nous devinons les amours cachés de Françoise, la sœur.

Nous adoptons le point de vue du gamin récepteur des angoisses et des envies de son entourage, le gamin qui imagine, qui (re)construit mentalement les rapports directs de sa mère et de sa sœur, qui crie la mort de son père, persuadé qu’il n’est plus parce qu’il est tombé lourdement sous ses yeux.

Dimanche ou les fantômes est un grand film sur l’invisible : Pierre, frère-cinéma de Julien dans une odeur de géranium, invente d’hypothétiques liens amoureux entre sa mère et deux silhouettes masculines croisées à plusieurs reprises dans un bois. Que peuvent bien lui vouloir ces ombres aux desseins mystérieux, qui viennent l’attendre sur le parking de leur immeuble ?

Le film développe une politique du hors-champ. La mère et le fils s’arrêtent sur la route : on pense d’abord que la gendarmerie leur demande de s’arrêter pour une raison grave, rendue mystérieuse par son invisibilité, alors qu’ils sont tout simplement réprimandés pour ne pas avoir porté de casque. De la même façon, nous ne devinerons pas immédiatement la mort du poisson rouge, Achard ne montrant pas de contre-champ explicatif à la surprise des personnages Dans Dimanche ou les fantômes, chaque détail apparent devient de plus en plus angoissant, chaque geste ordinaire devient inquiétant. Il ancre ses films dans un quotidien précis pour mieux le détourner par l’imaginaire inquiet de l’enfant auquel nous nous identifions.

Dimanche ou les fantômes : Pierre récite un notre père dans son lit, recourt au sacré pour apaiser ses craintes. Une odeur de géranium : Julien mange les bonbons donnés par son père, exprime la peur tangible de le voir disparaître. Rituels secrets auxquels le spectateur ne devrait pas assister : elles n’appartiennent qu’à l’intimité de l’enfant. Achard rapproche ainsi l’amour filial, indicible, et le lien intime qu'ont toujours entretenu l’imaginaire et l’enfance.

C’est notamment autour de ce lien que s’est construit son premier long-métrage, Plus qu'hier et moins que demain, dont le titre ne pouvait pas mieux cadrer l’espace temporel dans lequel s’agitent les personnages, étreints dans leurs sentiments les plus fugaces et extrêmes. Plus qu'hier, et moins que demain, des gens d’une même famille vont s’aimer et se détester, plus qu'hier et moins que demain, le passé va resurgir en cet instant, où Sonia, la fille aînée de la famille, revient, le temps d’un week-end. Au centre de ses deux jours, la force imperceptible des sentiments. D’amour, d’adoration, de jalousie, de destruction, de colère, de violence. Plus les corps se meuvent à limage, plus leurs âmes troublées tentent de se dissimuler, de se réprimer.