Selma, elle cumule les handicaps avec nonchalance,
ouvrière exploitée, seule avec son fils, entourée d'amis demeurés
ou malhonnêtes, pauvre et malade, elle a décidé de se sacrifier
pour que la maladie qui va lui ôter la vue épargne son fils.
Lars von Trier, qui ne fait pas dans la dentelle, rajoute
couche sur couche, histoire de bien rappeler que le réalisme
n'est pas sa tasse de thé.
Pour corser le tout, Michel et Selma ne
sont pas tout à fait des gens comme nous, entendez par là
qu'ils ne vivent pas dans le même univers. Le premier plan
qui nous révèle Michel Poiccard résume à lui seul les ravages
que peut causer le cinéma sur les esprits faibles. Coiffé
d'un chapeau de gangster, la cigarette aux lèvres et le regard
atone, Michel se voudrait le clone d'Humprey Bogart qu'il
contemple pensivement quelques plans plus loin. Le fameux
tic du pouce sur la lèvre reviendra à plusieurs reprises,
Cette tendance est partagée par le réalisateur qui truffe
son film d'allusions au Film Noir (dédicace à la Monogram
pictures, affiches diverses, etc.), avec une ferveur digne
des plus beaux enterrements. Caro retrouve dans A bout
de souffle tous les ingrédients qui ont fait le succès
de Don Quichotte ou d'Emma Bovary, un genre sur le déclin,
un personnage qui s'en imprègne dans l'espoir qu'il imprègne
aussi sa vie, et le réel qui reprend violemment ses droits.
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Selma en fera l'expérience
à ses dépens, elle dont le chant meurt à petit feu. On peut
sur ce point faire confiance à Lars von Trier pour que ses
souffrances soient longues jusqu'au crescendo final et fatal.
2e point, où la mégalomanie du personnage explose
La fuite en avant caractérise
à la fois Michel et Selma, il suffit pour s'en convaincre
de se reporter à Michel, fonçant au volant d'une voiture volée
sur la nationale, et dont les problèmes commencent vraiment
par un simple excès de vitesse. Pourquoi un excès de vitesse
? parce que ce qu'on lui reproche finalement c'est de vouloir
vivre trop vite, trop fort. Presque aveugle, Selma ne risque
pas de se retrouver au volant d'un voiture, son créateur la
place donc sur un train lancé à travers les vertes vallées
de ses rêves. Les voilà tous deux lancés à pleine vitesse,
portés par leur enthousiasme, Michel pousse la chansonnette
sur quelques mesures, Selma nous gratifie du fameux "I've
seen it all", Michel rembarre le spectateur, Selma lui
fait des mines, tout semble encore presque possible, si seulement...
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