Premier plan général en IS : il s'agit clairement d'une reprise
allusive au cadre naturel des tableaux impressionnistes. Chris
est entouré de fleurs bleus ciels et de longues herbes tombant
et semblant décliner peu à peu. Des fleurs parsemant le champ
vert ressortent du tableau, par leur vivacité, leur bleu (roi)
riche, presque luxuriant. Le premier contact avec l'image de
synthèse symbolise à elle seule la rencontre physique entre
l'homme et le paradis inconnu, par suite, elle confronte l'homme
à l'image de synthèse, pour la première fois : intrigué, Chris
prend une fleur dans ses mains et broie la matière bleue qui
se met subitement à fondre. La fleur broyée devient terreuse.
Cette fleur bleue est un pigment : une peinture composée
d'un diluant, d'une charge et de pigments. Substance chimique,
elle permet d'innover par un emploi innovateur : la substance
colorante d’habitude insoluble devient soluble, elle se dilue
par l'image de synthèse. Celle-ci prend corps par la couleur
picturale : abondante et visqueuse, elle sert la narration en
perdant en virtualité et en gagnant en corporalité.
Dans une autre mesure (convergente),
Vincent Ward et l'équipe chargée des effets spéciaux expérimente
la forme et la couleur de l'IS, par un travail sur la surface.
Avant de retrouver son maître, la chienne de Chris avance
entre les fleurs : ses pas et sa vitesse, en caméra subjective,
confèrent encore plus de réalisme à la séquence en faisant
mouvoir les dites fleurs. Elle s'élance (cf. photo) et un
gros plan montre sa retombée, les pieds dans la terre soluble,
les pieds dans la peinture. La mousse est transmuée en matière,
émergeant du sol telle une boue colorée. De même, en marchant
sur la terre verte foncée, le pied de Chris glisse sur la
couleur au sol, peinture tricolore (orange, rouge et vert
clair) enfouie sous la surface.
Avec "Au-delà de nos
rêves", un glissement s'est opéré, par rapport à l'utilisation
antérieure des paysages en images de synthèse. Ce qui s'annonçait
comme décor surprenant pour Chris et pure trompe-l’œil ornemental
pour le spectateur, agit dès lors qu'il s'établit un contact
entre le héros et le décor. La fleur bleue illusoire, par
exemple, se transmue en matière tactile, qui tâche les mains
de Chris. Et l'effet de réel s'immisce idéalement au cœur
de la rencontre diégétique.
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Le court-métrage "Pierre
et le loup" présente plusieurs similitudes avec "Au-delà
de nos rêves". Tous deux partent du même canevas (qui
met en abyme la position du spectateur), l'entrée dans le
tableau et le passage à un autre univers, entièrement conçu
en images de synthèse. Autre passage derrière l'écran (après
le passage dans la fresque dans "Au-delà de nos rêves")
: un cadre blanc sur fond noir qui incite à pénétrer au-delà.
Autre traitement pictural : le film se déroule principalement
dans une clairière où chaque pan de séquence en IS (pan de
décor comme pan d'animal) semble reconstituer chaque
pan de couleur issu du mouvement fauve. De nombreuses gouaches
reproduites avec l'ordinateur, ont donc été réalisées au préalable
(cf. photo). La séquence du serpent attaquant le loup (où
les ondulations et autres figures circulaires l'emportent
sur le travail segmenté du loup) présente une teinte rouge,
tandis que la séquence des chasseurs est mauve. Comment passe-t-on
du rouge au violet ? Ici la transition s'effectue (logiquement)
par le jaune, lorsque le loup est attaché et qu'en arrière-plan,
se dessine un fond orangé là où réside une partie des sept
cent cinquante arbres constituant la forêt.
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