Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 
  Objectif Cinéma (c) D.R.
En effet, les personnages paraissent désincarnés, comme eux-même vampirisés par une histoire que tout le monde connaît (en résumé : une femme pure attirée par le mal). Il faut dire que les acteurs sont quelque peu en retrait par rapport aux costumes, décors et accessoires. Si Gary Oldman s'en tire bien, Winona Ryder et Keanu Reeves sont trop fades pour nous intéresser à leurs personnages. Quant à Anthony Hopkins, il campe un docteur Van Helsing éructant et histrionesque qu'il est difficile de prendre au sérieux. A leur décharge, précisons qu'ils sont filmés sans relief, comme s'ils n'étaient que de la chair pour le monstre. Il n'est guère étonnant alors que les scènes horrifiques ou érotiques soient si plates. On est en droit de se demander pourquoi le cinéaste les a conservées malgré son désintérêt flagrant. Alors qu'il parvient à effrayer par des idées très simples (Gary Oldman léchant du sang sur une lame de rasoir), il prend le risque de sombrer dans le ridicule avec des effets spéciaux voyants et kitsch (voire les transformations du vampire en homme loup, idée par ailleurs absente du roman).

Il est frustrant de voir cette oeuvre sensuelle et terrifiante (comme l'était l'une de ses premières adaptations cinématographiques Nosferatu, ein Symphonie des Grauen de Murnau) traitée d'une manière si froide et purement cérébrale.

Cela nous amène à la question suivante: le réalisateur du Parrain a-t-il apporté quelque chose de nouveau au thème du vampire ? Coppola s'intéresse beaucoup plus à ce qui entoure tout ce monde, le décor donc mais aussi les moyens d'enregistrement, ce sont de longs plans sur les magnétophones auxquels les héros dictent leur journal, puis une scène étrange où Dracula séduit une de ses victimes dans un cinéma, enfin le réalisateur s'autorise un effet supplémentaire en filmant le comte dans les rues de Londres au moyen d'une des premières caméras. Il est alors clair que le vampire est pour lui une métaphore du cinéma, un être insaisissable qui absorbe et se nourrit de ce qui l'entoure.

Objectif Cinéma (c) D.R.

Or, Coppola ne fait pas grand-chose de cette belle idée. Elle ne lui sert qu'à affirmer une position de démiurge. Il agit en cinéaste cinéphile qui n'envisage le mythe que par les autres films. Avec son scénariste James Hart (auteur du très médiocre Hook de Spielberg), il se contente de signifier lourdement l'érotisme latent du roman de Bram Stocker et de rendre explicites les liens troublants entre les personnages. Mina Harker devient ainsi la réincarnation du défunt amour de Dracula, perte qui avait alors décidé ce dernier à servir les forces du mal. Les deux hommes gomment ainsi l'ambiguïté de cette relation qui devient une classique histoire d'amour impossible. Plus qu'un apport thématique, cela ressemble à une adaptation pour l'Amérique puritaine qui n'accepterait peut-être pas de voir l'héroïne du film attirée sans raison par le mal

Dans son remake de Nosferatu, Werner Herzog n'avait pas d'intérêt non plus pour le cinéma d'horreur mais il offrait une divergence scénaristique passionnante. Francis Ford Coppola a envisagé une nouvelle adaptation de Dracula comme un pur exercice de style. Même si je suis parfois ébahi par sa virtuosité, je préférerais toujours une vision neuve et chargée d'émotion.