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SAVOIR FILMER UNE MUSIQUE

2001 : L'Odyssée de l'espace (c) D.R.
Le film s'ouvre et se clôt sur la même musique de Strauss : Also Sprach Zarathustra. Ce que nous dit Zarathoustra justement, c'est une notion qui va au-delà du simple homme et surtout qui encercle le film. Kubrick s'approprie un thème et l'interprète à travers les images de l'espace constellé d'étoiles et de planètes pour en faire un thème infiniment circulaire. La musique n'est jamais dépassée par les images, les images ne le sont pas non plus par la musique : l'essence de chacun de ces deux éléments va circuler et se nourrir l'un l'autre sans jamais se heurter. Au delà de l'esthétisme purement formel de la beauté et de la béance de l'espace, la musique s'inscrit entièrement dans ce contexte qu'est le cercle. Savoir filmer la musique c'est aussi l'entendre, lorsqu'un flot inquiétant de sonorités emplit nos oreilles avant l'ouverture du film, et avant l'ouverture de la deuxième partie. C'est un thème fantastique et angoissant qui présage un chaos qui n'aura jamais lieu, puisque sans cesse on tourne en rond.
Quand Kubrick utilise le Beau Danube Bleu de Strauss, quoi de plus circulaire qu'une valse, autour de laquelle se meuvent les appareils de l'espace.


SAVOIR FILMER UN VAISSEAU SPATIAL

Dans un ballet circulaire, sur Le beau Danube Bleu, les vaisseaux spatiaux dansent au rythme lancinant et enivrant de la vie. L’œil n'est plus un organe, une planète ou une succession de sons, c'est maintenant un artifice mécanique conçu et construit par l'homme. Deux figures apparaissent alors : le cercle en deux dimensions et la sphère pleine en trois dimensions surmonté d'un objet phallique. Cette sphère, avant (ou après) d'être un sexe érigé qui fend le vide de l'espace, est ce prolongement du système nerveux humain (le nerf optique) qui transmet les informations au cerveau. C'est le gros œil qui scrute et analyse le moindre mouvement, la moindre parcelle de son et d'espace.

2001 : L'Odyssée de l'espace (c) D.R.

A cela s'ajoutent les petites capsules munies de bras qui permettent des petits déplacements dans cet espace : ils sont la métaphore du réalisateur, construire ou réparer un monde par le pouvoir des yeux (beaucoup plus subtil que Superman lui-même).Cette surveillance extrême va jusqu'à l'intérieur du vaisseau : Hal 9000 est avant tout cet objectif rouge qui scrute sans un mouvement organique ni mécanique, les moindres faits et gestes de ses occupants, et qui a le pouvoir de tout contrôler, même la vie. C'est une mécanique implacable à laquelle on ne peut pas grand chose, sinon le débrancher : c'est ce corps humain dont les fonctions vitales s'activent toutes seules : la respiration, le cœur, le système digestif, qui parfois panique parce que la vie prime sur la mort. Même quand l'ordinateur est débranché, quelque chose fonctionne. toujours. L’œil mécanique est présent jusque dans les moindres détails : par exemple, l'appareil photo, témoin d'une conférence et souvenir comique d'un passage humain sur la lune devant le monolithe. On se retrouve donc avec trois yeux mécaniques : le gros œil tout puissant (la caméra), les petits yeux architectes (le réalisateur), l’œil de surveillance (Dieu) et l’œil neutre (le directeur de la photographie).