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˜Je me suis amusé à regarder
La Chevauchée fantastique en coupant le son. Prenons les deux
séquences du début avec la présentation des personnages. Dans
la première séquence, on nous présente Lucy Mallory et Hatfield
qui voyageront ensemble. Dans la deuxième, il s'agit de Dallas
et de Doc qui se retrouveront dans la même diligence pour
la grande chevauchée. Je me suis donc amusé à les regarder
sans le son pour voir comment s'effectuaient ces présentations
d'un point de vue visuel, simplement. Dans le premier cas,
nous avons un plan d'ensemble. Nous sommes près de l'Hôtel
Tonto qui se trouve sur la droite. Apparaît Lucy Mallory qui
entre par la gauche et traverse le champ. Elle croise un jeune
couple : le capitaine Whitney et sa femme. Celle-ci l'interpelle,
la reconnaît. Elles échangent quelques mots. Puis nous avons
un gros plan du visage de Lucy qui s'éclaire de plaisir. Visiblement,
Madame Whitney a dû lui annoncer une bonne nouvelle. Quelque
chose attire son attention et nous revenons en plan demi-ensemble
pour distinguer ce qu'elle regarde : un gentleman distingué
et élancé, vêtu d'une cape noire, d'un grand chapeau blanc,
qui s'arrête canne à la main pour regarder fixement Lucy,
l'espace d'une seconde. Hatfield (c'est le nom de cet homme)
se reprend, lève poliment son chapeau et s'apprête à traverser
la rue. Les Whitney et Lucy entrent dans le salon de l'hôtel.
Voilà. Je trouve qu'il y a une évidence, une élégance, une
fluidité dans les angles de prise de vue, le choix du cadrage
et le montage. On part d'un mouvement pur, une diagonale,
c'est Lucy qui traverse le champ, puis cette impulsion est
coupée net par Madame Whitney ; le plan se resserre alors
autour des deux personnages. Ensuite, nous passons d'un détail
à un autre, du visage de Lucy qui s'éclaire à son attention
qui se détourne, puis au visage de Hatfield. Là encore, la
caméra est guidée par les personnages. Quelle poésie, vous
ne trouvez pas ?!
Daylins : "Mais
oui, c'est la simplicité dont nous parlions tout à l'heure.
Le découpage est d'une justesse par rapport à la narration,
c'est fascinant !"
Romac continua : "La
séquence ne se termine pas là. Nous avons un plan rapproché
du salon qui a vu sur la rue par une grande baie. Nous voyons
les trois personnages entrer, et le dos à nous, s'asseoir.
De l'autre côté de la vitre, on peut voir Hatfield dans la
rue se retournant une nouvelle fois, puis continuant son chemin.
Ce qui m'a frappé, la première fois que j'ai vu attentivement
cette scène, c'est cette liaison visuelle qui est dictée par
le comportement physique des personnages qui, lui, à son tour,
est dicté par la trame narrative."
Nogdabovitch : "
C'est vrai qu'on retrouve dans cette scène un style visuel
de l'époque du muet, mais je ne dirais pas que cette fluidité
vient de là. Ce qui, par contre, vient directement du muet,
dans cette séquence, c'est le fait de filmer d'un intérieur
sombre à un extérieur lumineux ; Ford adorait faire ça."
Daylins se concentra, posa
son regard vers le Dorf qui coulait majestueusement.
"D'où vient alors
cette fluidité ? Je crois qu'elle est vraiment perceptible
à partir de Vers sa destinée. On retrouve du début à la fin,
cette fluidité dans l'enchaînement des plans, commandée par
la narration et les personnages. Mais, c'est surtout les mouvements
à l'intérieur du cadre qui m'ont ému. Cela va de l'imperceptible
frétillement des feuilles d'un arbre, en passant par des zones
de lumière toujours changeantes, aux mouvements des lignes
provenant de la composition des images. C'est un véritable
plaisir pour l'œil !"
"Et c'est simple ! Mon Dieu que c'est simple!"
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