Le piège se referme alors sur François,
dans une mise en abîme qui n'aurait pour unique fil
rouge que les lignes blanches de l'héroïne,
symptôme et symbole d'une création cinématographique
viciée dès son origine par la dépendance
à l'argent (les producteurs malhonnêtes mais
aussi l'obsession cinéma-tographique, qui renvoie
chez François à une blessure dont il ne peut
se défaire, à laquelle il entretient une dépendance
artificielle et vaine.)
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François est dans l'impossibilité
de faire table rase de son passé avec lequel il entretient
une relation d'addiction qui se trouve être la source
même de son cinéma.
Cette dépendance se trouve être pleinement
exploitée par Chas, qui instrumentalise François
en transformant le lieu du tournage en lieu de diffusion
des héroïnes : l'actrice qui se perd dans
un rapport schizophrénique à son amant et
la blanche qui prolifère sur le plateau au détriment
de Lucie principalement. La réalité trop pure
est coupée au cinéma, l'artifice s'y mélange
sous les doigts experts et impertinents de Chas, qui manipule
à son aise ses pantins. Chas possède littéralement
les gens, il se les approprie. Nous ne pouvons pas occulter
cette notion de propriété à l'intérieur
du cinéma de Garrel qui lie inexorablement l'instinct
de possession au mal, à l'instar de François
qui se trouve hanté, possédé par l'image
de Nico. Il ne s'appartient pas, livrant dès l'origine
son devenir cinématographique à l'emprise
d'un monde réel inévitablement corrompu et
maléfique.
Garrel réussit magistralement son
pari (film contre l'héroïne), là ou le
film de François échoue, il le prolonge dans
son absolu hypogée, dans une fin abrupte, sèche
qui ponctue définitivement, sans fioritures, l'aporie
constitutive d'une exigence cinématographique qui
ne peut pas se débarrasser de ses inextricables démons.
Le regard qu'il porte sur son double François se
pare à la fois de la distance de son réalisateur
à son sujet ainsi que d'une empathie, comme un prolongement
éternisé de Garrel se retournant sur son uvre.
Ainsi, le début de tournage de François, où
Garrel prolonge dans la même ligne, dans le même
geste, ce premier travelling du film allant juste un peu
plus loin dans la distance, stigmatise en créant
l'espace suffisant pour faire vivre le film à thèse
que désire François, se situant peut-être
même pour la première fois dans l'achevé,
contrairement au film de François qui réalise
un Sauvage Innocence inachevable, avorté par
les contingences vampiriques d'un marché symbolisé
par Chas.
Ainsi Garrel rejoindra-t-il in extremis, dans une dernière
scène abrupte d'ironie, le Sauvage Innocence
de François en concluant son film à l'instant
ou celui de François ne peut plus perdurer.
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2001 Sauvage
Innocence
1998
Le Vent de la nuit
1995
Le Cur fantôme
1993
La Naissance de l'amour
1990
J'entends plus la guitard
1988 Les
Baisers de secours
1984
Elle a passé tant d'heures sous les
sunlights
1984
Rue fontaine
1983
Liberté, La nuit
1979
L'Enfant secret
1978
Le Bleu des origines
1976
Voyage au jardin des morts
1975
Le Berceau de cristal
1975
Un ange passe
1974
Les Hautes Solitudes
1972
Athanor
1970
La Cicatrice intérieure
1969
Le Lit de la vierge
1968
Actua I
1968
La Concentration
1968
Le Révélateur
1967
Marie pour mémoire
1966
Anémone
1965
Droit de visite
1964
Les Enfants désaccordés
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