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Robert Flaherty (c) D.R.

A ce sujet, Robert Flaherty, considéré comme le "père" du documentaire, et réalisateur de Nanouk, fut le premier à s'intéresser passionnément aux gestes du quotidien. Il démontra que chaque homme était capable d'interpréter sa vie et qu'elle pouvait nouer drame, humour, et amour, avec fantaisie, sans y ajouter le moindre effet (volontaire) de "fiction". Et l'intelligence de Flaherty ne doit rien au monde moderne. Fort heureusement. Ses films - comme ceux, à un autre "degré", de Guitry - conçoivent le réel en filmant le réel. On retrouve les mêmes attitudes chez Jean Rouch, qui laisse apparaître dans ses films, sans aucune ambiguïté, tous les comportements du quotidien. Dans Petit à petit, tourné en Afrique, la caméra suit les acteurs non-professionnels jouant leur propre vie. Ils ne trichent pas. Le cadre se plie directement aux mouvements qu'ils s'accordent. La vie qu'ils mènent, c'est l'aventure du cinéaste. A ce moment, c'est toute sa vie. De la difficulté d'être regardé, Hervé Guibert exprime, par son journal filmé tourné en vidéo, toute la fragilité d'un être, alors qu'il se meurt du sida. Un corps aujourd'hui disparu et inscrit dans l'image avec un naturel effrayant, empreint d'une douleur étouffante, jamais vulgaire, et profondément pudique. Une pudeur qui fait fusionner le corps et l'âme, et installe dans la durée une imagination désordonnée, saisit par l'urgence de la confession, et où la mort n'est qu'une construction de l'esprit. Un esprit évanescent, rugueux, qui explore la conscience par l'image, en la provoquant et au plus, en la "gouvernant". Par exemple, Mékas utilise la mémoire par un montage vaporeux, "irrégulier", mais semé d'illuminations conciliantes. Garrel se porte sur la difficulté qu'un homme et une femme ont à entretenir une relation conjugale. Plus grave, plus attaché à la perte du temps et de l'amour, il trouve toute l'émotion d'une vie dans son cri d'écorché vif. Fils de divorcés, heurté de douleurs, il dissèque de très (trop) près les relations du couple, jusqu'à atteindre un évanouissement despotique. Une exposition du réel non sans difficulté. Guibert est le témoin violent de sa mort certaine, peu à peu endeuillé par sa propre image, alors qu'au contraire, Moretti exerce sur le réel un humour inconditionnel et adopte une attitude flegmatique, sans doute nécessaire à une intégrité sociale sans blessure apparente. Ces différents auteurs ne cherchent pas à emprisonner la "vérité" du réel, ni à se l'approprier. Ils se prononcent avant tout pour ce qui peut ressembler à la vie et donc, conjointement, à la vérité et au mensonge. Comme d'autres, ils font du cinéma. Actuellement, le "style" autobiographique s'ouvre à un public plus large, bénéficiant d'une distribution assez convenable (souvent après bien des années de lutte sans relâche), à l'image d'Omelette de Rémi Lange, où par le moyen du cinéma, il parvient à avouer à sa famille son homosexualité, sans pour cela qu'elle serve à gommer la "différence", ni qu'elle efface l'hypocrisie d'un monde conformiste, mais pour qu'elle construise habilement la narration. Qu'elle pose des problèmes concrets dans la construction cinématographique. Uniquement. Bruce Labruce, cinéaste underground hors-norme, issu de la culture Gay, s'efforce quant à lui avec Super Huit 1/2, d'absorber le cinéma par le cinéma. Des images jugées "inconvenantes" par les plumes de l'autorité savante. Dominique Cabrera, avec Demain et Encore Demain, décrit la lente et déchirante (d)ébauche d'une dépression. Selon quelques réticents, ces films sont traités de façon excessive, dénoncent essentiellement des angoisses narcissiques, et révèlent une autosatisfaction récalcitrante. Certes, je ne dis pas que ces films doivent et peuvent toucher tout le monde. Ils refusent d'obéir à des lois classiques. C'est tout.


MAIS, QU'EST-CE QUE LE CINEMA ?

Aller fouiller à l'intérieur de soi ? Aller vers les autres ? Vers d'absurdes confidences ? Vers mille autres bonheurs ? Est-ce tout cela en même temps ? Que nous inspire le peintre lorsqu'il pose son pinceau sur la toile blanche ? Il est monstruosité, tyrannie. Il est aveugle et sourd. Il pense que les génies ne devraient jamais mourir. Déjà.