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LA BARRIERE

Fury (c) D.R.

La première phrase évoquant le futur, leur futur, " Time is very short ", sonne comme un couperet et marque Helen (" vous partez ? "). " Plus que 72 heures " répond Philippe : le temps les enserre. Se resserre tandis que eux vivront avec ce temps large mais compté, et qui les réunira avant une probable division. Mais l’impossibilité d’une harmonie possible, immédiate, ne résulte pas tant d’une barrière temporelle que d’un entourage problématique, la foule. Nulle barrière entre Helen et Philip, si ce n’est celle, géante, d’une horde d’anonymes qui, à tour de rôle, perturbe la sphère intime, la disloque et reporte longuement leur devenir couple, du moins leur union éphémère.

When tomorrow comes tisse une relation secrète avec certains films de Fritz Lang, Fury (1935) principalement ; dans l’interférence, la lutte troublante entre les personnages et l’opinion publique, société invisible et anonyme. L’analogie est éloquente : le couple face à une masse répressive et abstraite, symbolisée par le passant, chez John M. Stahl, le présumé coupable face aux commérages et à la foule, chez Fritz Lang. Aux faits, à la vérité, la foule oppose, dans les deux films, la construction d’une même culpabilité. Parce qu’ils sont victimes, d’une part, de l’opinion publique (Fury), d’autre part, d’une sphère médiatique (While the city sleeps) devenue premier pouvoir, corollaire de l’opinion publique, les personnages, tout particulièrement Helen et Phil, luttent contre une société qui les condamne tout en les envahissant.

  Fritz Lang - Fury (c) D.R.

De la collègue et amie d’Helen, qui veut les entraîner au parc, au jeune baigneur qui les pousse à se baigner (à se mouiller), tout en passant par la police qui les éclaire, les découvre dans la nuit, l’entourage les enserre ; mais, paradoxalement, empêche entre eux toute forme continue d’intimité dans un environnement sain, confortable. Invisible : la société les rapproche. Hostile : elle les contraint à une discrète clandestinité. Descendue du ponton, Helen se demande " Pourquoi se cacher ? On n’a rien fait de mal " et le policier lui rétorque " Je vous entends respirer. " Au moment de passer le ponton, " no pass here " s’entrevoit au loin, panneau lumineux emblème d’interdit. Ici (le panneau) et là (la police), la serveuse et la pianiste (dé)passent, trépassent outre. Assumer leur relation devient la seule réponse nécessaire d’Helen et Philip à la répression du microcosme social. Démarche logique (ils remontent le ponton, se montrent ensemble) immédiatement suivie dans le montage, et l’usage d’un fondu enchaîné, d’un plan général les montrant se fondre et fendre la foule en sens inverse (" Sept millions d’hommes ici. Tous croisés " dira Philip).

En faisant de l’héroïne une victime, When tomorrow comes touche à l’essence du mélodrame. Helen, comme Philip, semble victime du temps et de la foule (son entourage macroscopique). Comment les autres paramètres assaillent-ils la cellule du couple ? A l’oppression permanente (micros-événements, accidents perturbateurs) viennent s’ajouter une tierce personne (l’épouse malade de Philip) et une catastrophe naturelle (le déluge). La société, dans un premier temps, franchit la ligne qui unit le pianiste et la serveuse ; la rompt par intermittences. Puis, la nature fissure leur lien. Mais en produit-elle la cassure ?