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Conclusion (provisoire ?)

  Mon Oncle (c) D.R.

Jacques Tati est au final un cinéaste qui se situe dans la veine rare, au final plus anglo-saxonne que franco-française (malgré la puissance suggestive de ses ritournelles vendues dans le monde entier comme un symbole abusif de francité), des grands démiurges dépensiers, quelque part entre des personnalités aussi fortes qu’Abel Gance ou Max Ophuls (et plus récemment Léos Carax dont on se rappelle encore l’aventure chaotique financièrement et fructueuse esthétiquement des Amants du Pont-Neuf en 1991). Son influence ne se dément pas chez Lynch (qui partage avec celui-ci, dans Twin Peaks et dans The Straight Story, son affection pour les vieillards dont la motricité affaiblie par l’âge ralentit la vitesse de la machine de vison capitaliste) comme chez Iosseliani, chez Moullet comme chez le suédois Roy Andersson. Par ailleurs, on a souvenir que dans Baisers volés de François Truffaut, sorti un an après le film de Tati qui fut son naufrage, Antoine Doinel croisait un des épigones de Hulot dans le métro et, lors d’une scène de Domicile conjugal en 1970 dans laquelle ce dernier cherchait du travail, une série de gags autour d’un concurrent plus apprêté que le héros pour le poste (les sièges mous de la salle d’attente, un quiproquo classique en sa faveur) rappelait sans détour une scène similaire du chef-d’œuvre de Tati, tendu entre l’atonal et le lyrique pour finir modestement sur le registre du tendre, un peu à la René Clair.

La porosité très Nouvelle Vague d’artiste de Truffaut (on la retrouve bien sûr chez Godard qui n’a jamais cessé de clamer lui aussi, à l’instar d’ailleurs de Marguerite Duras, son admiration pour le bonhomme) souligne à juste titre le retentissement que produisit une telle œuvre chez les cinéphiles du monde entier. Celui d’un film qui rencontra pile son temps en le devançant un petit peu. Et qui le rencontrera toujours. Celui d’un film-monde dont l’excessive modernité stylistique mesure à l’aune de son esthétique visionnaire la pathologie d’un monde qui s’est oublié dans la tyrannie (qui vaut pour une anesthésie générale) des vertus euphorisantes de l’excès.



NO PARKING

" Le spectacle se présente à la fois comme la société même, comme une partie de la société, et comme instrument d’unification (qui est en fait) le langage officiel de la séparation généralisée "
Guy Debord, La Société du Spectacle - Paris, Gallimard, 1992


Marc Augé (c) D.R.

On pourrait aussi maintenant s’atteler à la tâche d’analyser de façon plus précise et plus profonde à l’œuvre dans Play Time quatre couples ou binômes réflexifs, chacun(s) doté(s) d’un espace de travail ouvert par la mise en scène, et créateur d’une unité maîtrisable d’observation et d’investigation comme l’écrivait l’anthropologue Marc Augé dans notre première exergue, et dont les agencements ou emboîtements donnent au film sa configuration. C’est-à-dire quatre lignes de force complémentaires et combinables qu’accompagne le motif de la vitre comme principe de factorisation de ces couples et d’échange de leurs énergies esthétiques et critiques.


Totalisation-dissémination (centralisation-périphérie) :
l’usage du cadre et du gag dans le cadre.


" Car rendre les choses spatialement et humainement " plus proches " de soi, c’est chez les masses d’aujourd’hui un désir tout aussi passionné que leur tendance à déposséder tout phénomène de son unicité au moyen d’une réception de sa reproduction " (L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique (dernière version de 1939) in Walter Benjamin, Œuvres III, Paris, Gallimard, 2000, p.278).