Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 

…les machines à sous… (12)

  Les Rebelles du dieu néon (c) D.R.

L’argent est l’une des préoccupations majeures des héros des Rebelles... Chen Chao-Jung et son coéquipier vivent de petits vols (scène 1). En quittant sa boîte à bac Hsiao Kang sait qu’il va récupérer une partie des fonds versés par ses parents en début d’année. Il tient bon face aux questions des administrateurs de son établissement scolaire (scène 11). Tous trois occupent leur temps devant des écrans de jeux vidéo, caricatures de la vie aux sons répétitifs, déformés. Le reflet de leurs visages impassibles disparaît lorsque les machines se mettent en marche. Leur désespoir et leur ennui sont alors engloutis par un bruit assourdissant (scène 3).


…avec le silence…

Il pleut à verse. Hsiao Kang est confiné dans sa chambre totalement silencieux. Les gouttes d’eau qui heurtent les vitres perturbent sa rêverie (scène 2). Chen Chao-Jung allongé sur son lit plaque un oreiller sur son visage. Son frère fait l’amour dans la pièce à côté. Les soupirs du garçon et de la jeune fille l’empêchent de dormir et en même temps éveillent son désir (scène 9). Il se masturbe en silence (scène 12). Chen Chao-Jung se retrouve dans un ascenseur avec la petite amie de son frère. Elle lui dit quelques mots parce qu’elle est gênée, pour combler le silence. L’ascenseur les conduit au rez-de-chaussée sans un bruit (scène 19). Réunis dans la salle à manger familiale le père et la mère parlent de Hsiao Kang (est-il la réincarnation du Prince Ne Cha ?) Leur discussion houleuse fait place à un bref silence. L’atmosphère pesante est, en effet, subitement brisée par le bruit d’une chasse d’eau. Hsiao Kang était dans la salle de bain qui se situe à quelques pas de là. Il a entendu leur conversation (scène 30). Hsiao Kang entre en transe. Les mouvements saccadés de son corps, les effets de gorge qui pallient son mutisme plongent ses parents dans l’effroi (scène 31). Il dénonce, en tentant en vain de les rompre, les silences (les non-dits) familiaux.

Tsaï Ming-Liang, Editions Dis Voir (c) D.R.

La musique des Rebelles…, composée par Huang Hsu-Chung, une mélodie unique dont le tempo et l’orchestration évoluent en fonction de l’intrigue a été imposée par la production (13). Bien que très évocatrice, parfois même émouvante, elle pèse souvent de tout son poids sur la première réalisation de Tsai Ming-Liang.  « Je n’aime pas la musique parce qu’elle peut casser le réel que j’ai envie de montrer », déclarait dernièrement le cinéaste (Tsaï Ming-Liang, Editions Dis Voir). Qu’il soit rassuré, la petite phrase musicale déclinée par deux fois dans l’enregistrement dont nous disposons (scènes 7 et 32), au total cinq fois au cours du film, ne crée pas d’interférence dans son œuvre. A aucun moment, elle ne brouille son contenu.


Notes à propos du papier peint de Et là-bas…

Chen Shiang-Chyi, en voyage à Paris, rencontre par hasard une compatriote. Celle-ci lui offre un thé, puis l’invite dans sa chambre d’hôtel. Les deux femmes allongées face à face s’observent longuement. Leurs profils, d’une symétrie parfaite, semblent se mêler l’un dans l’autre.

Quelques secondes auparavant, tandis que son hôtesse était dans la salle de bain, Chen Shiang-Chyi s’était attardée sur les motifs du papier peint recouvrant les murs de la pièce : des arabesques (des torsades bleu marine sur fond blanc s’enchevêtrant à l’infini).

  Et là-bas quelle heure est-il ? (c) D.R.

Chen Shiang-Chyi et son acolyte échangent un baiser, font peut-être l’amour, puis quelques heures ou quelques jours plus tard se séparent. Comme leur rencontre, leurs adieux se déroulent presque sans un mot. La jeune touriste quitte la chambre d’hôtel encombrée d’une grosse valise qu’elle traîne tant bien que mal dans le jardin des Tuileries. Elle s’endort sur une chaise devant un bassin circulaire.

« L’espoir le plus fou de mes personnages c’est qu’un jour quelqu’un étende la main pour leur offrir un verre d’eau » (14). Cette déclaration de Tsai Ming-Liang, extraite du dossier de presse de The Hole, est valable pour tous ses films.

Les quelques scènes de Et là-bas quelle heure est-il ? décrites plus haut, à l’origine de ces notes, contiennent tous les éléments utilisés habituellement par Tsai Ming-Liang pour évoquer les affects.