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Les Côtelettes (c) D.R.
Lourd sur l’estomac, crevé tel un soufflé raté, Les Côtelettes signe la défaveur/dé-saveur de leur préparateur cul-inaire qui, osons le dire, a ici fait sous lui. Pas de quoi donc en faire une thèse, pour reprendre un dialogue croustillant des Valseuses qui portait sur une potée déjà pas bien fameuse, puisque Blier n’a qu’une seule chose au fond à nous dire : que l’on ne lui raconte pas d’histoire. A nous aussi on ne la fait pas en ce cas. C’est bien pourquoi d’ailleurs il n’a jamais véritablement raconté d’histoire, privilégiant les anecdotes, les friandises digressives, les (gros) morceaux choisis, les hors-d’œuvre aux grands récits, aux chefs-d’œuvre (16). A force de se la jouer blasé, Blier s’embourbe dans le pâté ingrat de son cynisme, où le gâtisme (du contenu) se dispute seul avec l’obsolescence (du trait). Le fond (du plat) est atteint, et Blier en racle maladivement les bouts de graisse collés en ses contours visqueux. Comme le dit le vieil adage, qui dort (pendant la projection des Côtelettes) dîne (d’autant plus que le rata proposé, peu ragoûtant, écœurerait du cinéma pour un moment).

Dans Swimming Pool comme dans Les Côtelettes, on trouve deux chouettes maisons de campagne assorties chacune d’une non moins chouette piscine, toutes deux situées dans le Lubéron. Ca fait symptôme tout de même. Le cinéma comme villégiature : Ozon et Blier paressent au soleil de leur notoriété, paraissent s’être endormis sur leurs tout relatifs lauriers et se sont oubliés dans la plus exécrable des facilités. Le constat est dur pour le premier - Ozon est jeune, a tout le temps de se remettre en cause –, sévère pour le second - Blier ne pourra-t-il jamais s’en remettre ? Si ces deux auteurs ne pensent pas davantage à aérer leur dispositif, à l’ouvrir sur des espaces qui ne dépendent pas uniquement de leur savoir-faire qui peut très vite se révéler besogneux au possible, à se rabattre sur les mêmes influences superficiellement saisies (tous deux partagent des affinités avec le cinéma de Luis Buñuel, hélas pas la radicale manière, toute en neutralité bienveillante, que celui-ci avait d’envisager les pollutions de notre inconscient zébrant de ses assauts aberrants les comportements les plus normalisés, de retourner sans forcer les normes de la vie sociale en violence injustifiable et dénuée de sens), c’est un évidemment substantiel, un raidissement fatidique qui les attendent au tournant (pour Blier, le tournant semble avoir été dépassé).

  Les Côtelettes (c) D.R.

La cinéphilie pointue d’Ozon le sauve de l’aspect légèrement suranné qui enveloppe son œuvre (le studio, ses fenêtres closes et son air vicié (17)), quand le cinéma de Blier est finalement très vite passé de mode, avec un tel film à ranger dès à présent dans le cabinet des aberrations du cinéma français. Vouloir être à tout prix au centre stratégique du cinéma français, c’est comme le disait Bourdieu dans notre citation « vouloir tout avoir sans rien payer », le box-office et l’art, les critiques de Positif et ceux des Cahiers du Cinéma, ces mêmes critiques et ceux de Studio, la politique des auteurs et celles des acteurs, le premier degré et tous ceux qui suivent… François Truffaut a pu incarner, dans la douleur et non l’autosuffisance, la non-dispersion de telles contradictions parce qu’elles n’étaient pas en 1980 ce qu’elles sont devenues maintenant, à savoir des abîmes de plus en plus inconciliables (18). Se faisant, c’est tout bonnement l’économie du réel qu’ils réalisent (alors que Buñuel était avant tout, à l’instar de Ruiz et de Chabrol aujourd’hui, un observateur attentif) (19), oubliant que le cinéma peut être – il l’a été et l’est encore parfois – un magnifique instrument d’interrogation et de recherche, de révélation et de découverte du monde.