 |
|
|
|
Les personnages de la femme et du Black
sont assurément les plus complexes du lot. Ce sont les seuls
à subir une évolution tangible ici : la femme passe du statut
de potiche qui panique pour un rien (l’impressionnant premier
plan sur un mur rouge) à celle qui accumule les expériences
pour au final s’en tirer dans les meilleurs conditions. Au
départ, les membres de l’équipe la considèrent comme une femme
trop sensible pour le monde tel qu’il est, alors que petit
à petit, en se faisant accepter, elle parvient à prouver qu’elle
est la meilleure de tous. Le Black, lui aussi, est
a priori le personnage le plus fragile. Il va apprendre lors
de son périple que l’important n’est pas de vivre mais de
survivre. Une scène magnifique montre la métamorphose de son
pote en zombie (ce dernier est caché sous une couverture).
Tout passe par la simple expression du regard : cette montée
de l’angoisse, de l’oppression, du stress, est renforcée
par la télévision dont le volume devient de plus en plus fort.
Progressivement, on perçoit le visage désincarné de l’ami
qui, par son regard blafard, semble demander à son camarade
de le tuer. Un peu comme Jeff Goldblum dans La mouche de
David Cronenberg où ce dernier place directement le fusil
sur son front pour que sa femme tire.
Incidemment, cette séquence est une belle démonstration des
vertus de l’ellipse. Si Romero abat les zombies et montre
sans problème leurs tronches de déterrés ensanglantés, il
sait également rester pudique concernant les sentiments :
la mort de l’ami, par exemple, est suggérée par un bruit (le
coup de feu) et le hors-champ (la douleur est perceptible
par les visages des deux autres membres du groupe). On se
dit que ce décès douloureux rendra le Black plus fort
pour affronter la horde de zombies qui errent dans le centre
commercial mais là, encore, les apparences sont trompeuses.
Progressivement, le personnage se replie sur lui-même et se
demande si cela vaut encore la peine de vivre dans un monde
en proie aux forces du mal. Si, vers la fin, son inaction
peut sembler inquiétante, elle traduit en fait les inquiétudes
et les turpitudes d’un personnage en panne de lui-même. Cela
le poussera même à ne plus vouloir s’enfuir et au retranchement
extrême, voire au suicide. Mais la vie est plus forte que
tout : au moment de tirer, l’homme reprend conscience et rejoint
la femme dans l’hélicoptère. Et alors la vie, elle-même, devient
plus importante que la survie…
DU SANG PRET A LA CONSOMMATION…
|
 |
|
|
Ici, contrairement à pléthore de fictions
lambda, les zombies ne sont pas des êtres pathétiques conscients
de leur condition, mais des monstres assoiffés de sang et
de chair fraîche qui «reviennent sur Terre parce qu’en
Enfer, il n’y a plus assez de place». À ce sujet, les
maquillages de Tom Savini (qui fait un caméo en motard dans
le film) sont d’une efficacité à toute épreuve. Jean-Pierre
Putters, le fondateur du magazine Mad Movies dit dans
une interview (disponible sur le DVD) que ce qui l’avait
interloqué dans Zombie, c’étaient les gags qui venaient
créer un contrepoids incongru avec l’ambiance sinistre de
l’ensemble. Ces digressions spirituelles et efficaces qui
se passent dans un centre commercial ne masquent cependant
jamais la menace sourde et les questions qu’elle génère :
qui est avec qui ? Et si parmi le groupe se cachait un zombie
? Et si l’un d’entre eux devenait un zombie, que se passerait-t-il
? Dans le film, les protagonistes se trouvent dans un monde
apocalyptique où il n’y a plus de loi ni de morale. Lorsque
ces derniers débarquent dans un centre commercial (a priori
désert), ils se donnent le droit de profiter des lieux. Par
exemple, ils s’amusent à des jeux vidéos en tirant - virtuellement
- sur un écran, comme ils le feront - concrètement - sur des
zombies. Et Romero place discrètement une critique des plaisirs
capitalistes et de notre société de consommation qui croit
qu’avec l’argent, on peut tout s’offrir.
Le rôle de la musique de Goblin (compositeurs attitrés de
Dario Argento) est considérable puisqu’elle accentue la folie
et l’étrangeté de certaines scènes. Elle provoque des effets
particuliers qu’on ne retrouve que dans les films du maître
du Giallo. Certains morceaux musicaux semblent aussi incongrus
que le Flash of the Blade, des Iron Maiden dans le
magnifique Phenomena, où l’inestimable Jennifer
Connelly tentait de démasquer un vilain tueur en série qui
sévissait dans un pensionnat de jeunes filles. Les rebondissements
étant fous (souvenez-vous de la révélation du tueur dans Phenomena),
cela met ainsi en valeur la tonalité grotesque d’une narration
dont le principal dessein est d’échapper aux conventions du
genre.
|