Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 
Zombie (c) D.R.

Les personnages de la femme et du Black sont assurément les plus complexes du lot. Ce sont les seuls à subir une évolution tangible ici : la femme passe du statut de potiche qui panique pour un rien (l’impressionnant premier plan sur un mur rouge) à celle qui accumule les expériences pour au final s’en tirer dans les meilleurs conditions. Au départ, les membres de l’équipe la considèrent comme une femme trop sensible pour le monde tel qu’il est, alors que petit à petit, en se faisant accepter, elle parvient à prouver qu’elle est la meilleure de tous. Le Black, lui aussi, est a priori le personnage le plus fragile. Il va apprendre lors de son périple que l’important n’est pas de vivre mais de survivre. Une scène magnifique montre la métamorphose de son pote en zombie (ce dernier est caché sous une couverture). Tout passe par la simple expression du regard : cette montée de l’angoisse, de l’oppression, du stress, est renforcée par la télévision dont le volume devient de plus en plus fort. Progressivement, on perçoit le visage désincarné de l’ami qui, par son regard blafard, semble demander à son camarade de le tuer. Un peu comme Jeff Goldblum dans La mouche de David Cronenberg où ce dernier place directement le fusil sur son front pour que sa femme tire.

Incidemment, cette séquence est une belle démonstration des vertus de l’ellipse. Si Romero abat les zombies et montre sans problème leurs tronches de déterrés ensanglantés, il sait également rester pudique concernant les sentiments : la mort de l’ami, par exemple, est suggérée par un bruit (le coup de feu) et le hors-champ (la douleur est perceptible par les visages des deux autres membres du groupe). On se dit que ce décès douloureux rendra le Black plus fort pour affronter la horde de zombies qui errent dans le centre commercial mais là, encore, les apparences sont trompeuses. Progressivement, le personnage se replie sur lui-même et se demande si cela vaut encore la peine de vivre dans un monde en proie aux forces du mal. Si, vers la fin, son inaction peut sembler inquiétante, elle traduit en fait les inquiétudes et les turpitudes d’un personnage en panne de lui-même. Cela le poussera même à ne plus vouloir s’enfuir et au retranchement extrême, voire au suicide. Mais la vie est plus forte que tout : au moment de tirer, l’homme reprend conscience et rejoint la femme dans l’hélicoptère. Et alors la vie, elle-même, devient plus importante que la survie…


DU SANG PRET A LA CONSOMMATION…

  Zombie (c) D.R.

Ici, contrairement à pléthore de fictions lambda, les zombies ne sont pas des êtres pathétiques conscients de leur condition, mais des monstres assoiffés de sang et de chair fraîche qui  «reviennent sur Terre parce qu’en Enfer, il n’y a plus assez de place». À ce sujet, les maquillages de Tom Savini (qui fait un caméo en motard dans le film) sont d’une efficacité à toute épreuve. Jean-Pierre Putters, le fondateur du magazine Mad Movies dit dans une interview (disponible sur le DVD) que ce qui l’avait interloqué dans Zombie, c’étaient les gags qui venaient créer un contrepoids incongru avec l’ambiance sinistre de l’ensemble. Ces digressions spirituelles et efficaces qui se passent dans un centre commercial ne masquent cependant jamais la menace sourde et les questions qu’elle génère : qui est avec qui ? Et si parmi le groupe se cachait un zombie ? Et si l’un d’entre eux devenait un zombie, que se passerait-t-il ? Dans le film, les protagonistes se trouvent dans un monde apocalyptique où il n’y a plus de loi ni de morale. Lorsque ces derniers débarquent dans un centre commercial (a priori désert), ils se donnent le droit de profiter des lieux. Par exemple, ils s’amusent à des jeux vidéos en tirant - virtuellement - sur un écran, comme ils le feront - concrètement - sur des zombies. Et Romero place discrètement une critique des plaisirs capitalistes et de notre société de consommation qui croit qu’avec l’argent, on peut tout s’offrir.

Le rôle de la musique de Goblin (compositeurs attitrés de Dario Argento) est considérable puisqu’elle accentue la folie et l’étrangeté de certaines scènes. Elle provoque des effets particuliers qu’on ne retrouve que dans les films du maître du Giallo. Certains morceaux musicaux semblent aussi incongrus que le Flash of the Blade, des Iron Maiden dans le magnifique Phenomena, où l’inestimable Jennifer Connelly tentait de démasquer un vilain tueur en série qui sévissait dans un pensionnat de jeunes filles. Les rebondissements étant fous (souvenez-vous de la révélation du tueur dans Phenomena), cela met ainsi en valeur la tonalité grotesque d’une narration dont le principal dessein est d’échapper aux conventions du genre.