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  The Hulk (c) D.R.

Imperturbable, alors que la partie est déjà perdue, Ang Lee continue son travail d’élève soigné. Les séquences tournées dans le désert sont jolies à regarder, l’ambiance B.D. est toujours présente et la scène d’action dans les rues de San Francisco plutôt réussie. Mais le charme n’opère plus. Avec la déception engendrée par les effets visuels, les qualités du film sont rejetées au second plan et les imperfections ressortent davantage. Ainsi, bien que les rencontrant régulièrement dans une grande partie des productions hollywoodiennes, les expressions de pudibonderie imbécile qui ponctuent le film hérissent quand même le poil. Comment le caleçon de Hulk parvient-il à résister à la croissance accélérée que subit Bruce Banner ? Quelle est donc cette fibre à l’élasticité miraculeuse ? Remarquez, la pudeur des producteurs se comprend : vu le développement exponentiel que subit Bruce Banner lors de sa transformation en Hulk, et si toutes les parties de son corps connaissent une croissance équivalente, la nudité du bonhomme vert aurait sans doute choqué plus d’une bigote !

Autre bizarrerie politiquement correcte : la capacité de Hulk a tout détruire sans tuer personne. À part le méchant Talbot lié à l’industrie militaire - et encore c’est un décès indirect -, personne ne passera de vie à trépas au contact pourtant brutal du héros verdâtre. Lorsqu’il s’attaque à des hélicoptères, chars d’assaut et autres avions de chasse, Hulk ne blesse pas le moindre petit soldat. Par des inserts de militaires s’extirpant maladroitement de leurs engins de guerre réduits en bouillie ou par une voix-off reproduisant un appel radio, Ang Lee confirmera après chaque dommage collatéral causé par Hulk que tout s’est bien terminé pour les adversaires du monstre. Vers la fin du film, Hulk va même sauver la vie d’un pilote de F-16 imprudent et de quelques centaines de malheureux automobilistes en sautant sur la carlingue d’un avion de chasse en perdition, au moment où celui-ci allait rentrer en collision avec le célèbre Golden Gate Bridge. Même si Hulk est un personnage repoussant et inquiétant, il doit rester un héros. Certes, il détruit tout sur son passage, mais il ne doit pas toucher à ses camarades d’espèce. Et évidemment encore moins aux vaillants représentants de l’armée américaine.

The Hulk (c) D.R.

Plus les minutes passent, plus l’impression que The Hulk est un film qui ne sait pas ce qu’il veut dire se renforce. Depuis les premières scènes, Ang Lee insiste fortement sur les relations intergénérationnelles. Bruce Banner a rayé son père de sa vie. Il a été adopté par la famille Krentzer et ne se remémore qu’avec crainte de ce paternel qu’il pense toujours enfermé dans un hôpital psychiatrique. Betty Ross n’a plus vu son militaire de père depuis des années. Pour des raisons différentes mais de manière simultanée, les deux géniteurs réapparaissent dans la vie de leur progéniture. David Banner veut connaître les effets sur son fils des altérations génétiques qu’il avait expérimentées sur lui-même avant la conception du bébé. Nul amour dans sa démarche, juste de la curiosité scientifique. Le général Ross reprend contact avec sa fille, inquiet qu’il est des pressions exercées sur elle par Glenn Talbot et son complexe militaro-industriel et de la présence à ses côtés d‘un Bruce Banner qu’il considère comme aussi perturbé que son père.

À part épaissir le profil des personnages, ce qui est appréciable, ces descriptions ne débouchent pas sur grand-chose. Un peu comme Sam Raimi qui voyait dans Spiderman la marque du passage à l’âge adulte, Ang Lee essaie de symboliser son propos, de donner une dimension hyperbolique à son film. À l’inverse du réalisateur d’Un plan simple, il n’y parvient pas faute d’avoir choisi dès le départ l’angle à partir duquel il allait traiter l’histoire de Hulk. Non-cadré, son film se disperse alors dans des directions multiples : étude psychologique, réflexion sur les dérives de la science, film d’action, drame romantique voire shakespearien… On rencontre même quelques tentatives comiques.